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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/495

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Manufacture royale ne devrait s’appliquer, suivant son origine, qu’aux manufactures établies par le roi, et qui travaillent pour le compte de Sa Majesté, comme celle des Gobelins, en sorte que ces mots Manufacture royale ne doivent être regardés que comme l’expression d’un fait ; réflexion qui conduirait naturellement à refuser ce titre à tout établissement formé par des particuliers et pour leur profit.

Le second motif est l’avantage trop réel que cette décoration donne aux fabriques qui l’ont reçue, sur les manufactures de même espèce qui n’ont pas ce titre. Vous ajoutez que, si cependant je crois devoir insister sur cet article, vous vous en rapporterez à ce qui me paraîtra le plus convenable.

Quoique votre réflexion sur l’espèce d’abus des termes, dans l’application du titre de Manufacture royale, soit très-juste en elle-même, je crois cependant que cet abus, qui n’est que dans le langage, est suffisamment couvert par l’usage constant qui a déterminé le sens de ces mots. Manufacture royale, à n’être qu’une distinction purement honorifique dont le conseil a décoré les manufactures qu’il a crues dignes de la protection particulière du gouvernement.

À l’égard du tort que cette décoration peut faire aux autres fabriques du même genre en procurant aux manufactures royales une préférence réelle, j’adopte absolument votre façon de penser, lorsqu’il s’agit d’une manufacture qui s’établit dans un canton où il y en a déjà d’autres du même genre ; mais je crois qu’on peut se rendre plus facile lorsqu’il s’agit d’un genre d’industrie absolument nouveau dans la province où se forme l’établissement. Les manufactures anciennement établies dans les autres provinces, et dont le commerce est monté, ont trop d’avantage par cela même pour que celui qu’on donne à la nouvelle manufacture leur fasse aucun tort ; et pourvu qu’on borne le titre de Manufacture royale à un petit nombre d’années, on n’a point à craindre d’empêcher cette industrie de s’étendre dans la province où elle est nouvelle par la multiplication des manufactures de ce genre.

C’est d’après ces principes que, d’un côté, j’ai insisté auprès de vous pour faire supprimer le titre de Manufacture royale accordé autrefois aux sieurs Henry et d’Hervault, fabricants de papier dans l’Angoumois ; et que de l’autre je vous ai proposé d’accorder ce même titre à la manufacture d’étoffes anglaises établie à Brive par