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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/548

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du cultivateur rend la même dépense plus ou moins productive, suivant qu’il l’applique d’une manière plus ou moins appropriée à la nature du sol et à toutes les circonstances de la saison. Si l’on donnait à une terre légère autant de labours qu’à une terre forte, on dépenserait davantage, et peut-être recueillerait-on moins. Si le système de Tull a quelque vérité, on peut gagner sur la production en économisant beaucoup sur la semence ; alors les avances annuelles diminueront, et la production augmentera. La production suppose des avances ; mais des avances égales dans des terres d’une inégale fécondité donnent des productions très-différentes, et c’en est assez pour faire sentir que les productions ne peuvent être exactement proportionnelles aux avances ; elles ne le sont même pas, placées dans le même terrain, et l’on ne peut jamais supposer que des avances doubles donnent un produit double. La terre a certainement une fécondité bornée, et en la supposant labourée, fumée, marnée, fossoyée, arrosée, sarclée autant qu’elle peut l’être, il est évident que toute dépense ultérieure serait inutile, et que telle augmentation pourrait même devenir nuisible. Dans ce cas, les avances seraient augmentées sans que le produit le fût. Il y a donc un maximum de production qu’il est impossible de passer, et lorsqu’on y est arrivé, les avances non-seulement ne produisent pas 250 pour 100, mais ne produisent absolument rien.

En accordant à l’auteur du Mémoire que, dans l’état de la bonne culture ordinaire, les avances annuelles rapportent 250 pour 100, il est plus que probable qu’en augmentant par degrés les avances depuis ce point jusqu’à celui où elles ne rapporteraient rien, chaque augmentation serait de moins en moins fructueuse. Il en sera dans ce cas de la fertilité de la terre comme d’un ressort qu’on s’efforce de bander en le chargeant successivement de poids égaux. Si le poids est léger et si le ressort n’est pas très-flexible, l’action des premières charges pourra être presque nulle. Quand le poids sera assez fort pour vaincre la première résistance, on verra le ressort céder d’une manière sensible et se plier ; mais, quand il aura plié jusqu’à un certain point, il résistera davantage à la force qui le comprime, et tel poids qui l’aurait fait plier d’un pouce ne le fera plus plier que d’une demi-ligne. L’effet diminuera ainsi de plus en plus. Cette comparaison n’est pas d’une exactitude entière ; mais elle suffit pour faire entendre comment, lorsque la terre approche beau-