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l’acquéreur déjà taxé au vingtième ne pourrait pas être augmenté du montant de celui de la nouvelle propriété[1]


VIII. DÉCLARATION DU ROI
CONCERNANT
LA TAILLE TARIFÉE ÉTABLIE DANS LA GÉNÉRALITÉ DE LIMOGES,
DONNÉE À VERSAILLES LE 30 DÉCEMBRE 1761, REGISTRÉE EN LA COUR DES AIDES[2].


Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes verront, salut. — Le désir de diminuer pour l’avenir les frais que nos sujets taillables ont été dans le cas de faire jusqu’à présent pour parvenir à l’imposition, levée et recouvrement

  1. Le complément de cette lettre a été perdu. (Note de Dupont de Nemours.)
  2. Turgot fut nommé à l’intendance de Limoges le 8 août 1761. La date de cette déclaration fait voir que ses premiers efforts eurent pour but d’améliorer le régime de l’impôt, dont la mauvaise répartition était, dans cette généralité comme ailleurs, la cause principale de la misère du pays et des habitants. Quant à l’étendue du désordre, on peut en juger à l’avance par les lignes qui suivent, et que nous empruntons à Dupont de Nemours : On avait arpenté environ les deux tiers de la province, mais on n’avait point fait de cartes de cet arpentement. Sur les simples brouillons des arpenteurs, on avait fait des procès-verbaux généraux des paroisses, et des feuilles de relevé, contenant chacune les articles qui devaient servir à former la cote de chaque particulier. Il se trouvait, par des erreurs de copistes, que les feuilles de relevé n’étaient point d’accord avec les procès-verbaux ; et il était impossible, par le défaut de cartes, et sans les brouillons originaux qu’on n’avait point conservés, de savoir lequel du procès-verbal ou des feuilles de relevé méritait le plus de confiance. Des abonnateurs, qui n’avaient et ne pouvaient avoir aucune lumière sur la science encore ignorée de calculer les frais de culture, et de les soustraire des récoltes pour en connaître le revenu, avaient ensuite estimé les héritages ; et cette estimation faite rapidement, sans discussion avec les propriétaires ni avec les cultivateurs, avait servi de base pour répartir entre les contribuables de chaque paroisse la même somme de principal de taille qui y avait été précédemment imposée. Il en résultait que dans des paroisses la taille paraissait à 1 sou pour livre du revenu estimé, et dans d’autres à 5 sous pour livre. Mais, comme l’estimation du revenu n’avait elle-même aucune base, la disproportion pouvait être plus faible ou plus forte, et personne n’était à portée de le savoir. L’incertitude originelle de toutes les parties de cette opération se trouvait énormément accrue, parce que depuis vingt-deux ans on n’avait fait aucune vérification, ni pris aucun soin de constater les changements de propriété par succes-