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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/629

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de culture ce que le laboureur est obligé d’acheter du propriétaire de prairies, et qui fait le revenu de celui-ci.

Je n’ai pu voir sans étonnement, dans le préambule des rôles par tarif, que les locataires des maisons sont imposés à la taxe d’exploitation et aux 2 sous pour livre de leurs baux. Une maison, pour un locataire, est une dépense et non un revenu, et le bail d’une maison n’a rien de commun avec le bail d’une ferme sur laquelle le fermier gagne. Il est vrai qu’en Limousin, louer une maison pour l’habiter et prendre un domaine à bail pour le faire valoir sont deux choses qui s’expriment également par le mot d’affermer ; mais cette équivoque n’a point lieu dans le reste du royaume : aussi, dans aucune autre province les locataires de maisons ne sont taxés sur le prix de leurs baux. Il serait assez singulier que cette équivoque de nom fût l’origine de l’imposition qu’on fait supporter dans la province aux locataires des maisons.

Dans tous les pays de taille personnelle, la plus grande partie de l’imposition porte sur la tête du fermier ou du métayer ; cependant c’est le propriétaire qui possède le fonds et qui jouit du revenu : le cultivateur n’a que son travail et ne gagne que ce que le propriétaire lui laisse pour salaire de ce travail. Mais, une grande partie des fonds étant possédée par des nobles ou des privilégiés qui ne peuvent être imposés personnellement à la taille, on a imposé leurs fermiers ou leurs colons à proportion des fonds qu’ils faisaient valoir, et par ce moyen l’on a imposé indirectement les propriétaires ; car il est bien évident que le fermier ou le colon ne paye sa taille que sur les produits de la terre qu’il cultive, et que le prix de la ferme, ou la portion que le colon rend à son maître, sont nécessairement diminués à raison de ce que le cultivateur paye au roi. Il est si peu douteux que toute la taille imposée sur les colons ne soit véritablement à la charge des propriétaires, que ceux-ci, dans les conventions qu’ils font avec leurs métayers, se chargent très-souvent de payer leur taille en tout ou en partie.

Dans les pays de taille réelle, on suit d’autres principes : la taille est imposée sur le fonds, et c’est le propriétaire qui la paye. Il en résulte que le cultivateur n’est jamais exposé à des poursuites ruineuses, et que l’état de laboureur y est dès lors plus avantageux que dans les pays de taille personnelle : le propriétaire doit donc trouver plus facilement des colons pour mettre son bien en valeur, et cet