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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/632

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et plus forte d’un tiers en sus que les deux taxes de propriété et d’exploitation de son héritage, s’il les eût payées l’une et l’autre dans la paroisse où le fonds est situé. Par la même raison, dans le cas contraire, il payera moins qu’il n’aurait du payer. Or, il s’en faut beaucoup que la disproportion que j’ai citée pour exemple soit une des plus fortes parmi celles qu’on peut observer en parcourant les plumitifs du département.

Un autre effet de ces transports de propriété est d’enlever au propriétaire d’un domaine ravagé par la grêle la part qui doit lui revenir de la diminution accordée lors du département à la paroisse ou au village dans lesquels ce domaine est situé, parce que la taxe de propriété de ce domaine est reportée dans une paroisse qui n’a point été grêlée. Il arrive souvent aussi que 1a diminution accordée lors du département étant répartie à proportion de l’imposition de chacun des particuliers qui a souffert, et cette imposition étant souvent formée en raison de facultés personnelles provenues de biens situés dans des paroisses étrangères et qui n’ont essuyé aucune perte, les modérations accordées aux particuliers n’ont aucune proportion avec le dommage réel qu’ils ont souffert.

Mais, de toutes les conséquences qu’entraîne cette taxe de propriété détachée du fonds dont elle provient pour suivre la personne, la plus funeste est l’attrait qu’elle donne aux propriétaires de campagne pour transférer leur séjour dans les villes dont la taille est fixée, et pour éluder par ce moyen facile près du tiers de leurs impositions. Il en résulte un double malheur pour les campagnes : d’un côté elles perdent le débit de leurs denrées, les salaires de leur industrie, parce que les propriétaires vont ailleurs dépenser leurs revenus ; de l’autre, il faut que les habitants qui y restent supportent ce tiers de l’imposition des fonds dont les propriétaires se délivrent en se retirant dans les villes. Ainsi les campagnes se dépeuplent, ainsi les ressources diminuent, les charges augmentent, les cultivateurs s’appauvrissent, l’agriculture s’énerve, et les propriétaires, qui voient de jour en jour leurs domaines dépérir, payent bien cher leur prétendu privilège.

Le seul remède à cet inconvénient serait sans doute de taxer tous les fonds dans les paroisses où ils sont situés, en exceptant peut-être les fonds qui dépendent de corps de domaines situés dans les provinces voisines, et qu’on pourrait, sans aucun embarras, taxer