Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/647

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mettaient pas une abondante récolte ; qu’ils avaient déjà manqué dans les années précédentes, ce qui me rendait encore plus attentif à l’événement de cette année. Je vois actuellement avec douleur que les récoltes de ces denrées seront mauvaises, ce qui a été occasionné et décidé par les dernières chaleurs, et que les châtaigniers, loin de promettre un dédommagement, annoncent, par la chute prématurée de leurs feuilles, que cette denrée sera en médiocre quantité et peu susceptible d’être gardée. Je ne puis dissimuler que celles des paroisses qui éprouveront ces malheurs seront en proie aux horreurs de la famine, sans qu’il me soit pour, ainsi dire possible de leur accorder des secours. Ces denrées ne se sèment que pour la consommation et ne se commercent point ; et les blés mêmes, quand ils sont abondants, ne pourraient, sans ruiner le cultivateur, tomber à un prix auquel le pauvre habitant pût atteindre. C’est ce qui m’a fait déjà observer que nous craignons à la fois les horreurs de la disette et les inconvénients de l’abondance.

Mais un objet plus affligeant encore mérite la plus grande considération ; les blés dont le commerce faisait la seule ressource du cultivateur, ainsi que je viens de l’exposer, les blés sont depuis quelques années frappés d’un fléau particulier à cette province, qui détruit et dans le champ, et même après la récolte, legrain dont le laboureur faisait toute son espérance.

J’ai déjà annoncé au conseil les effets de ce fléau. Une espèce particulière de papillons dépose ses œufs dans l’épi avant qu’il soit parfaitement formé, et il en sort une petite chenille qui, enfermée dans le grain même, en dévore toute la farine et sort ensuite changée en papillon. Sur le rapport qui en a été précédemment fait par M. de Marcheval, M. le contrôleur général a député deux commissaires de l’Académie des sciences, qui, après deux ans de travaux et d’observations assidues, n’ont pu encore découvrir un remède suret applicable sans inconvénients à tous les cas.

Dans la lettre dont j’ai accompagné l’état des récoltes, je n’avais évalué le dommage causé par cet insecte qu’à un tiers de diminution sur la récolte totale ; mais je suis instruit qu’il peut être beaucoup plus considérable, et qu’une grande partie du blé qui paraît conservé, ne l’étant que parce que l’insecte y a péri, soit en chenille, soit en chrysalide, avant sa métamorphose en papillon, non-seulement ne peut plus faire un objet de commerce, mais même peut