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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/648

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devenir nuisible dans l’usage par la mauvaise qualité qu’il communique au pain.

J’ai déjà eu l’honneur d’observer à M. le contrôleur général que ce fléau, purement local, n’en est que plus funeste au canton qu’il afflige, la diminution qu’il cause dans le produit des récoltes étant toute en pure perte pour le propriétaire, qui n’en est dédommagé par aucune augmentation dans le prix de la denrée, et qui souffre, pour le peu qu’il recueille, de la non-valeur résultant de l’abondance générale.

Les vignes ne rapportent pas beaucoup cette année ; mais le malheur de cette province est tel, que cette pénurie est même préférable à l’abondance. Il en coûtera moins de frais de récolte et de garde, car pour la vente elle ne se fait point. Le commerce est interrompu avec l’étranger par la guerre ; le débouché qu’offrait le port de Rochefort est totalement fermé depuis l’interruption des armements, et la consommation qui se fait sur les lieux est si médiocre que, malgré le prix vil où se trouve cette denrée, presque tous les colons ont encore les vins des deux dernières récoltes. Ces vins, dont le débit se faisait par l’exportation, rendaient autrefois un argent qui facilitait la perception des impôts. C’est encore un avantage dont se trouvent privées ces provinces, et qui leur est particulier.

Il en est de même de l’engrais des bestiaux. Il est étonnant combien depuis quelques années cet objet de l’industrie des habitants a diminué. On élevait autrefois dans ces cantons des bœufs qui se vendaient pour la consommation de Paris : c’était une des premières ressources des habitants pour le payement de leurs impôts, parce que cette vente répandait de l’argent dans le pays par l’acquisition des bestiaux et la consommation que le concours des marchands occasionnait. De là est née cette célébrité des foires du Limousin, cause de la surcharge dont se plaint aujourd’hui la province. Mais depuis quelque temps elles sont tombées dans le discrédit, soit parce que la consommation de Paris est diminuée, soit parce que les marchands pour l’approvisionnement de cette capitale ont donné la préférence aux foires de Normandie comme plus voisines. Dans les autres guerres, la fourniture des armées pouvait dédommager de la diminution qu’elles occasionnaient dans la consommation de Paris ; mais, dans la guerre actuelle, l’extrême éloignement des armées et la facilité que trouvent les fournisseurs à s’approvisionner