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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/67

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tiennent la vie dans le sein du corps social. En manufacturant ces produits, on rend, de virtuelle effective, l’utilité qui existait dans la matière, on transforme sa richesse conformément aux vues de la nature, mais on ne l’augmente pas, parce que la plus-value des ouvrages de fabrication au delà de la matière première de ces mêmes ouvrages, n’équivaut qu’à la somme de toutes les dépenses ou consommations faites en produits agricoles par les travailleurs ; et que, si le coût d’un objet fabriqué vaut 1 de matière première et 4 en dépense de main-d’œuvre, le gain social ne peut, sans double emploi, se composer de l’addition de ces deux valeurs. Objecter que les manufacturiers, les commerçants et tous ceux, en un mot, qui sont en dehors de la classe propriétaire et de la classe agricole, réalisent des épargnes sur leurs profits ou sur leurs salaires, ce n’est pas prouver que la société s’enrichisse par le travail qu’ils exécutent ; car ces épargnes, qui ne représentent qu’une certaine quantité des productions annuelles du sol, seraient restées entre les mains des propriétaires et des agriculteurs si, par suite de circonstances dont les unes dérivent de la nature des choses, et les autres n’en dérivent point, elles n’étaient passées en la possession de la classe industrielle et libérale.

De ce système, qui accepte comme nécessaires, et par suite utiles au bien général de la société, le fait de l’appropriation inégale et individuelle du sol, celui de l’inégalité des conditions qu’il entraîne, et le droit pour chacun de disposer d’une manière absolue du produit de son travail, de le donner, de le vendre, de l’échanger et de le transmettre à sa famille, Turgot tire, avec Quesnay et Gournay, trois conséquences principales :

La première, que l’homme n’a pas de droit plus important que celui d’user de ses capitaux fonciers et mobiliers, de ses bras et de son intelligence, de la manière qu’il juge le plus convenable à son intérêt ; et que toute atteinte à l’exercice de ce droit est, non-seulement une injustice commise contre l’individu, mais un acte qui tourne au détriment de la société. Sans l’entière liberté du travail, qui implique celle du commerce intérieur et