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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/707

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Pour ramener les impositions de la généralité de Limoges à la même proportion que celles des autres provinces, c’est-à-dire pour qu’elle ne payât au roi qu’une somme égale à la moitié de ce que retirent les propriétaires, il faudrait une diminution effective de plus de 700,000 liv., dont la moitié serait portée sur la taille, et l’autre moitié sur les impositions accessoires. Nous n’avons pas espéré ni même osé demander une aussi forte diminution, mais au moins nous eût-il paru juste et nécessaire de ne point faire participer une province déjà aussi surchargée aux augmentations que les besoins de l’État ont forcé d’ajouter à l’imposition totale du royaume ; par là, elle eût été rapprochée de la proportion générale.

Elle aurait eu d’autant plus besoin de ne pas partager l’augmentation générale survenue en 1768, que la récolte de 1767 a été à tous égards une des plus fâcheuses qu’on ait vues de mémoire d’homme, surtout en Limousin. Tout avait manqué à la fois, les seigles, les fourrages, les vins, les fruits et même les châtaignes. Les seuls blés noirs avaient fourni une ressource pour la nourriture des paysans, et ont empêché les seigles de monter à un prix exorbitant.

Les pertes occasionnées par la gelée du 19 avril 1767 et des jours suivants ont détruit, dans une très-grande partie de la province, presque tout le revenu des propriétaires. La justice aurait exigé qu’on leur eût remis la plus grande partie des impositions ; mais l’augmentation effective qui a eu lieu au dernier département, malgré la bonté qu’eut Sa Majesté d’accorder à la province un moins-imposé de 220,000 liv., a cependant été de 123,518 liv. 9 sous 1 denier. Cette augmentation, disons-nous, n’a pas permis d’avoir à la situation des propriétaires souffrants tout l’égard qu’elle exigeait ; en sorte qu’ils ont à la fois supporté et la perte de leur revenu, et une augmentation sensible sur leurs impositions. Les productions de la terre sont, il est vrai, plus abondantes cette année ; mais on doit sans doute considérer que leurs impositions de l’année dernière n’ayant pu être acquittées sur un revenu qui n’existait pas, n’ont pu l’être que par anticipation sur les revenus de cette année, qui ne pourraient y suffire s’ils étaient chargés d’une imposition plus forte ou même égale. Il ne faut pas détruire, par des impositions anticipées, le peu qu’il y a de capitaux. Le soulagement que les circonstances n’ont pas permis de leur accorder au moment du