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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/75

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tation de cupidité qu’on aurait tort de confondre avec le désir honnête de s’enrichir par le travail. S’il en sortit quelque encouragement à l’esprit de négoce, on le paya d’autant plus cher que le directeur de la Banque et de la Compagnie des Indes, plein de la théorie de la balance du commerce, avait accrédité en même temps toutes les idées de réglementation, de privilège et de monopole, qui en sont la conséquence.

Quoi qu’il en soit, treize contrôleurs-généraux, parmi lesquels plusieurs ne manquèrent ni de capacité, ni d’amour du bien, avaient succédé à Law, sans qu’il eût été apporté d’améliorations sérieuses dans l’assiette et la répartition de l’impôt, ni dans l’ensemble du régime économique qui depuis si longtemps entravait la prospérité de la France.

La taille, la capitation, et les vingtièmes (qui avaient remplacé le dixième), continuaient de peser, sur les villes et les campagnes, avec la même inégalité que dans le siècle précédent. Pour soulager les dernières, accablées encore du fardeau de la dîme, le cardinal de Fleury n’avait rien imaginé de mieux que de les soumettre à la révoltante oppression de la corvée (1737).

Les impôts indirects les plus productifs, tels que les aides, les droits de traite ou de douane, et les taxes sur la consommation du sel et du tabac, étaient toujours affermés à des traitants dont l’avidité fiscale n’avait pas de bornes, et ne subissait aucun frein. Seuls ils possédaient le secret du rapport de la matière imposable, et seuls ils étaient initiés à la connaissance précise des lois, arrêts et règlements sans nombre, relatifs à cette branche du revenu de l’État[1]. Le crédit que procure la richesse, et le perpétuel dénûment du Trésor, leur assuraient dans le Conseil un appui qui couvrait toutes leurs exactions. Ils en avaient profité même pour soustraire les délits de contre-

  1. Le Code de la ferme générale est immense et n’est recueilli nulle part ; eu sorte que le particulier à qui on fait un procès ne peut ni connaître par lui-même la loi à laquelle il est assujetti, ni consulter qui que ce soit ; il faut qu’il s’en rapporte au commis, son adversaire et son persécuteur. (Remontrances de la Cour des aides, 6 mai 1775.) — Voyez encore Économistes financiers du xviiie siècle, page 826.