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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/88

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bornes, et qu’il serait inutile de le rechercher en théorie, si le passage de la spéculation à l’action devait toujours être réputé infranchissable. Ces principes, ainsi qu’on va le voir, servirent de base à toute la conduite du nouveau contrôleur-général.

À l’exception de la mesure qui rendit le commerce des grains libre à l’intérieur, Turgot, pendant les derniers mois de 1774 et tout le cours de l’année 1775, borna ses soins au rétablissement de l’ordre dans les finances et à des améliorations importantes, mais de simple détail, dans le régime économique. On ne peut même regarder comme une innovation l’arrêt du Conseil, du 13 septembre 1774, par lequel il s’empressa d’anéantir tous les obstacles absurdes que subissaient la vente et la circulation des blés au dedans du royaume. Ses principes sur la matière rendaient à ses yeux la liberté de l’exportation également indispensable ; et cependant le ministre restait, à cet égard, en deçà de la législation de 1763 et de 1764, qui l’avait autorisée. Il allait moins loin que Machault, dès 1749 ; moins loin que le contrôleur-général Laverdy, tiré du sein du Parlement, sous l’administration duquel avaient été faites les lois qu’on vient de citer. Il se contentait de détruire l’ouvrage de Terray, à qui la liberté avait déplu, non parce qu’il la trouvait contraire au bien de l’État, mais parce que le monopole permettait à l’abbé de réaliser, à l’exemple de Louis XV lui-même, de faciles et honteux profits dans le commerce des grains. On admira le beau préambule de l’arrêt du 13 septembre, et il n’excita aucune réclamation.

Mais, dans ce moment, une question d’une nature fort différente préoccupait surtout l’esprit public. Maurepas, habile comme courtisan, nul comme homme d’État, et qui ne voyait pas la France ailleurs que dans Versailles, avait saisi le pouvoir sans avoir aucun plan arrêté sur l’usage qu’il en devait faire. Mentor octogénaire d’un roi de vingt ans, il n’avait pas de parti pris sur le point si grave de savoir s’il convenait, ou non, de rappeler les anciens Parlements dont, sous le dernier règne, le triumvirat Maupeou, d’Aiguillon et Terray, avait