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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/89

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brisé l’existence (1771), et dont les membres étaient encore retenus dans l’exil. À cet égard, l’intrigue s’agitait à la cour en sens divers. La reine, les tantes du roi, les princes du sang, s’efforçaient de circonvenir le monarque, chacun selon ses passions ou ses préjugés. La plus grande partie du clergé, qui ne pardonnait pas aux Parlements d’avoir, à toutes les époques, défendu contre lui la puissance temporelle de la couronne, et qui n’avait pas oublié la destruction des jésuites (1762), cabalait énergiquement contre le rappel. Ses efforts se trouvaient soutenus par les intérêts nouveaux qui se rattachaient à la magistrature de la création de Maupeou. Mais les vieux corps judiciaires ne conservaient pas des partisans moins actifs ; et de plus, leur longue et factieuse opposition, dont la multitude ne pénétrait pas le secret, les investissait d’une grande popularité. Dans cette conjoncture, Maurepas agit comme tous les hommes livrés à cette ambition vulgaire qui ne convoite que les satisfactions vaniteuses du pouvoir : il se tira d’embarras en adoptant un mezzo termine, qui consistait dans la reconstitution des Parlements avec quelques garanties légales prises contre leur turbulence. Les membres du nouveau cabinet, tous opposés d’abord à cette mesure, à l’exception du garde des sceaux Miroménil, qui en était l’instigateur, ne tardèrent pas à se ranger à l’opinion du premier ministre. Turgot et le maréchal du Muy restèrent seuls pour remontrer au roi combien ce projet était imprudent. Mais ce fut en vain que le premier déroula sous ses yeux le tableau des obstacles que les Parlements ne manqueraient pas d’apporter à la plupart des réformes exigées par l’intérêt général. « Ne craignez rien, je vous soutiendrai toujours », répondit le malheureux Louis XVI, déjà fasciné par Maurepas. L’intérêt du peuple déterminait Turgot à ne pas vouloir qu’on replaçât dans la poussière du greffe la couronne que Maupeou en avait tirée depuis quatre ans ; mais la Providence, dans ses mystérieux décrets, avait prononcé qu’un vieillard futile serait, à son insu, l’instrument le plus actif de la chute du pouvoir qu’il