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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/91

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grands seigneurs et de nobles dames de la cour, qui la dédommageaient avec usure, par leur crédit, de ces faveurs honteuses. Les gens de finance reçurent la notification qu’un pareil scandale ne serait plus toléré à l’avenir[1]. Ils furent prévenus également que, dans les cas douteux, l’obscurité des lois fiscales s’interpréterait à l’avantage du peuple, et non à leur profit, contrairement au principe qu’ils avaient fait prévaloir[2].

Depuis des siècles, une loi cruelle pesait sur les campagnes. Déclarant les plus forts contribuables de chaque paroisse responsables de la somme de taille assise sur la communauté, elle autorisait leur emprisonnement et leur ruine dans le cas où, soit par impuissance, soit par prévarication, les collecteurs n’opéraient pas la recette totale de l’impôt. La plume éloquente du ministre retraça au roi tous les effets déplorables (Je cette iniquité, et les contraintes solidaires furent abolies[3],

Sur tous les points du territoire, les paysans étaient exposés chaque jour à voir, sans un juste dédommagement, leurs personnes, leurs animaux de labour, leurs charrettes, enlevés, par mode de réquisition, pour le service des convois militaires. Les abus qu’enfantait ce système, supprimé par Turgot dans la généralité de Limoges, étaient poussés si loin, qu’on y avait renoncé déjà dans huit autres. Le ministre étendit la suppression à tout le royaume, et améliora le service en le faisant partout, au moyen d’une imposition générale, exécuter par des entrepreneurs.

La loi qui rendait au commerce des grains et des farines

  1. Voyez Lettre aux fermiers généraux, du 14 septembre 1774, tome II, page 402.
  2. La perception, en devenant moins tyrannique, ne diminua pas les profits des fermiers et du Trésor. Selon Dupont de Nemours, ils s’étaient élevés, dans le bail précédent, frais de services et intérêts des capitaux déduits, à 10,350,000 livres, et montèrent à 60,000,000 dans le nouveau bail. D’autres causes que l’atténuation des rigueurs fiscales contribuèrent, sans doute, à produire cet accroissement. L’ami de Turgot le reconnaît ; mais, en insistant sur la dernière, il ne fait qu’énoncer une opinion que Lavoisier et quelques-uns de ses collègues, même, tinrent pour exacte.
  3. Mémoire au roi et Déclaration sur les contraintes solidaires ( du 3 janvier 1775), II, pages 372 et suivantes.