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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/90

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avait la mission de défendre. Les Parlements furent rétablis (nov. 1774)[1].

À peine réinstallée dans ses fonctions, la vieille et incorrigible magistrature recommença sa lutte contre l’autorité royale, et Turgot continua de s’employer à adoucir les souffrances du plus grand nombre et à rappeler au respect de la justice les classes supérieures de la société. Grâce à l’activité du sage ministre, chaque jour, pour ainsi dire, vit alors disparaître un abus.

Il était d’usage immémorial que les fermiers-généraux, à chaque renouvellement de bail, gratifiassent le contrôleur-général en fonctions d’un présent de trois cent mille livres. Le portefeuille des finances ayant subi des mutations nombreuses sur la fin du dernier règne, la ferme, par une sorte de justice distributive qui ne portait aucune atteinte à ses intérêts, avait pris l’habitude de diviser ce don ignoble, connu sous le nom de pot-de-vin, en six annuités de cinquante mille livres chacune. Le ministre ne se contenta pas de refuser sa part dans cette prime honteuse, mais décida que tout ce qu’il en restait à payer serait versé dans la caisse des pauvres. Il était d’usage encore que la ferme pensionnât, sous la dénomination peu aristocratique de croupiers et de croupières, beaucoup de

  1. Le parti des anciens Parlements avait à Sa tête la reine, le comte d’Artois, le duc d’Orléans, le duc de Chartres *, le prince de Conti, la majorité des pairs, l’ex-ministre Choiseul, la minorité janséniste du clergé, les évêques philosophes, et une portion de la république des lettres. — Monsieur **, les tantes de Louis XVI, le duc de Penthièvre, Maupeou, resté chancelier de France ; la minorité des pairs, et notamment le duc d’Aiguillon et le maréchal de Richelieu ; les anciens ministres Terray, La Vrillière, Bertin, de Poynes, le prince de Soubise ; les nouveaux ministres, du Muy, de Vergennes, Sartine ; la majorité du clergé, les jésuites, l’archevêque de Paris Beaumont, qu’ils gouvernaient ; et enfin les dévotes de la cour, phalange aux ordres de Mme de Marsan, servaient de chefs au parti des parlements Maupeou. — Un tiers-parti, mais sans importance, se composait du prince de Condé, du comte de la Marche, fils du prince de Conti, et de plusieurs pairs de France. — La force respective des deux grandes factions, très-animées l’une contre l’autre, tenait à peu près leur puissance en équilibre.

    * Père de Louis-Philippe.

    **Depuis Louis XVIII.