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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/133

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dans la classe de ce qu’on appelle le peuple, il est évidemment impracable, il paraîtrait dur, injuste, barbare, de réduire à cet état un homme né dans un état plus élevé, accoutumé à toutes les douceurs attachées à la jouissance d’une fortune aisée, et à qui une éducation libérale a donné des mœurs, des sentiments, des idées, inalliables avec les mœurs, les sentiments, les idées de la classe d’hommes dans laquelle on le ferait descendre.

L’égalité dans les différentes levées est une chose évidemment impossible, puisqu’il faut nécessairement proportionner les remplacements au nombre d’hommes qui manquent, soit par les congés, soit autrement, et que ce nombre n’est jamais égal. Il est encore impossible d’obvier aux augmentations que les circonstances d’une guerre, ou les projets du ministère, peuvent occasionner. La manière même dont les régiments provinciaux ont été formés fait naître une difficulté de plus, puisque le service des hommes devant être de six ans, et que, la première formation ayant été complète en quatre tirages, et même dans cette généralité en trois, il en résulte que la totalité des soldats provinciaux doit être congédiée en trois ans, et qu’en remplaçant, au tirage de chacune de ces quatre ou de ces trois années, le nombre des hommes congédiés, on sera ensuite deux ou trois ans sans avoir besoin d’autre remplacement que de celui des hommes qui manqueront par mort ou par désertion, par congé de réforme ou autrement. Ce nombre étant toujours très-petit, on ne peut en demander le remplacement qu’à un très-petit nombre de communautés.

Au surplus, quand même on pourrait parvenir à rendre tous les tirages égaux, en remplaçant chaque année le sixième des hommes qui composent les régiments provinciaux, on éprouverait toujours l’inconvénient d’être obligé de rassembler pour ces tirages un trop grand nombre de paroisses. Enfin, l’ordre établi serait nécessairement dérangé toutes les fois que le ministre, à l’approche d’une guerre ou pour tout autre motif, voudrait faire une augmentation dans la composition des régiments provinciaux.

Je n’imagine qu’un seul moyen d’éviter tous ces inconvénients, et ce moyen assurerait en même temps aux régiments provinciaux la meilleure composition possible en hommes, et qui serait même préférable à celle des troupes réglées. Il consisterait à substituer au tirage annuel de la milice, l’obligation à chaque communauté ou à