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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/132

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ticle 24, un moyen facile d’éluder la défense portée en l’article 16.

En effet, elle autorise les garçons sujets au tirage à se faire, en cas d’absence ou de maladie, représenter par un homme qui tire le billet pour eux. Elle statue en même temps que ceux qui tireront ainsi par représentation répondront de ceux pour lesquels ils ont tiré, et seront miliciens à leur défaut ; à l’effet de quoi, on ne doit admettre à tirer par représentation que des garçons ou hommes veufs et mariés en état de servir, desquels on prendra le signalement. Au moyen de ce tirage par représentation, il est bien facile à un homme de se faire remplacer par un autre ; car, puisque celui qui tire est obligé de marcher au défaut de celui pour lequel il a tiré, il ne paraît pas qu’on puisse empêcher ces deux hommes de s’arranger ensemble, en convenant que celui qui a tiré pour l’autre marchera effectivement à sa place. Quelques-uns des officiers généraux qui, en dernier lieu, ont été chargés de l’inspection des régiments provinciaux, ont paru scandalisés de la tolérance qu’on accorde à ces sortes d’engagements ou de substitutions volontaires. Comme les représentations à cet égard pourraient se renouveler, et comme elles paraîtraient fondées sur la lettre de l’ordonnance, je crois utile de développer les raisons qui m’ont toujours fait regarder comme indispensable de fermer les yeux sur cette espèce de contravention.

Les unes sont générales, d’autres sont relatives à cette province en particulier. Quant aux raisons générales, la première est sans doute le sentiment, si naturel et si juste, qui porte à préférer toujours les voies les plus douces pour parvenir au but qu’on se propose[1]….

Les exemptions de tirage, que l’on a été forcé d’accorder et d’étendre depuis le gentilhomme jusqu’à son valet, ne font que rendre le fardeau doublement cruel en le rendant ignominieux, en faisant sentir qu’il est réservé aux dernières classes de la société ; et cependant ces exemptions sont d’une nécessité absolue ; elles sont même en quelque sorte justes : car, puisque le milicien est destiné à l’état de simple soldat ; puisqu’un simple soldat, par une suite de la constitution des troupes et de l’espèce d’hommes dont elles sont composées, par la modicité de sa paye, par la manière dont il est nourri, vêtu, couché, par son extrême dépendance, enfin par le genre de sociétés avec lesquelles il peut vivre, est nécessairement placé

  1. Il se trouve à cet endroit une lacune dans le manuscrit. (Note de Dupont de Nemours.)