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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/144

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Elle n’a point borné sa garantie aux terrains enclos : un sentiment d’équité naturelle, très-conforme aux intérêts de la société, a fait regarder le travail de la culture comme une occupation suffisante pour assurer la propriété légale d’un héritage et la possession de ses fruits.

Il résulte de là qu’il ne peut y avoir de propriété sans pouvoir d’en conserver l’usage, à l’exclusion de tout autre. Ce pouvoir de conserver ne peut venir que de la force ou des précautions du propriétaire lui-même, ou bien de la garantie des lois. Voyons si l’un ou l’autre de ces deux principes assure la possession exclusive des matières souterraines au propriétaire de la surface.

Il est d’abord évident, au premier coup d’oeil, que celui-ci ne peut s’opposer par lui-même à une entreprise dont rien ne l’instruit, et qui ne lui fait ni bien ni mal ; il n’ira pas fouiller à grands frais dans son champ pour découvrir si d’autres ne l’ont pas miné à son insu.

Le propriétaire de la surface n’a donc par lui-même aucun pouvoir de conserver la possession exclusive des matières souterraines. Quant à la garantie légale que la société accorde en conséquence de l’occupation du terrain par la culture, elle ne s’étend point sur les matières souterraines, 1o parce que l’occupation ne s’y est point étendue elle-même ; 2o parce que la raison d’équité et d’intérêt commun, qui a fait garantir aux premiers cultivateurs le fruit de leurs travaux, n’a aucune application aux matières souterraines, qui ne sont ni l’objet de la culture, ni le produit du travail ; 3o parce que le propriétaire ne reçoit ni dommage ni trouble de la recherche de ces matières, lorsque les ouvertures ne sont pas dans son héritage ; 4o parce que, dans les temps voisins de l’origine des propriétés foncières, la société manquait elle-même de moyens pour faire exécuter cette garantie légale de la possession des matières souterraines.

La géométrie n’avait pas encore appris aux mineurs l’art de décrire la route qu’ils suivent sous terre et d’en tracer tous les détours sur la superficie ; ceux qui s’occupaient à fouiller dans les entrailles de la terre ne s’informaient pas sous quel héritage leur travail les avait conduits. Le cultivateur et le mineur travaillaient chacun de leur côté, sans aucun rapport l’un avec l’autre, sans se connaître, et les lois n’avaient rien à régler entre eux, puisqu’ils ne se demandaient rien.