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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/153

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jouissance des richesses renfermées dans le sein de la terre, on aurait ou l’on aurait eu tort d’y rien changer et d’y rien ajouter. Toute loi inutile est un mal, par cela seul qu’elle est une restriction à la liberté, qui par elle-même est toujours un bien. Voyons donc si l’intérêt de l’État exige une autre jurisprudence sur la matière des mines. Cet intérêt a pu être et a été envisagé de deux façons ; ou relativement à l’avantage du fisc, par le profit qu’il peut retirer des mines, ou relativement à l’intérêt qu’a l’État en général d’encourager l’extraction des richesses souterraines, si précieuses par leurs usages multipliés et par leur valeur dans le commerce.

§ Ier. Examen des motifs tirés de l’intérêt du fisc pour restreindre la liberté naturelle d’exploiter les mines. — Examinons d’abord l’intérêt du fisc. Je conviens que les souverains ne pouvant se passer de revenu pour subvenir aux dépenses de l’État, l’intérêt fiscal peut être, à quelques égards, considéré comme une branche de l’intérêt public ; et je ne doute pas que l’idée de grossir le trésor du prince d’une richesse qui ne semblait prise à personne n’ait contribué, plus que tout autre motif, à faire établir par les jurisconsultes romains le principe que toutes les mines appartiennent à l’État. Mais les empereurs romains ne furent pas longtemps à reconnaître combien cette idée est chimérique. Un entrepreneur particulier, qui

    pas qu’un gouvernement fasse trop le père », ne prévalurent pas au sein du Conseil. Napoléon y conquit le principe de la perpétuité des concessions ; mais, soit défiance de lui-même, soit distraction causée par des soins plus graves, il se laissa vaincre, sous tous les autres rapports, par l’esprit légiste et réglementaire. Il voulait, par suite de sa profonde connaissance des hommes, soustraire en tout ce qui n’intéresse pas la sûreté publique, l’exploitation des mines à la tutelle de l’État ; or, à moins d’un miracle, un tel système ne pouvait sourire à un conseil uniquement composé de fonctionnaires de l’État, que leur position entraînera toujours à ne pas voir le principe de la vie sociale ailleurs que dans le gouvernement. Aussi, malgré le vrai libéralisme de l’Empereur, la loi de 1810 fut rédigée de telle sorte, dans son ensemble, qu’on ne sortit pas, à vrai dire, du droit régalien, dont on a depuis, au contraire, réparé les échecs par des dispositions récentes.

    Mais rien de tout cela ne serait arrivé, si, au lieu de chercher un mezzo termine impossible, entre la doctrine du droit de l’État et celle du droit de la surface, Napoléon, qui arguait sans cesse au Conseil de l’art. 552 du Code civil, et qui regardait comme inattaquable la proposition formulée par cet article, que la propriété du dessus emporte celle du dessous, eût adopté nettement ce dernier système.

    L’intéressante discussion à laquelle donna lieu la loi des mines se prolongea depuis le mois de février 1806 jusqu’au mois d’avril 1810. — Voyez Locré, Législation sur les mines, 1 vol. in-8o, 1828 ; et les deux excellents articles sur les Industries extractives, fournis par M. Dunoyer au Journal des Économistes (tome III). (E. D.)

    * Cet aphorisme n’est inexact que si on pousse ses conséquences jusqu’à l’absurde ; et, dans ce cas, les déductions prouvent, non la fausseté du principe, mais la sottise du raisonneur. Il a, du reste, été commenté par Napoléon lui-même dans une autre séance. « Je ne souffrirais pas, dit-il, qu’un particulier frappât de stérilité vingt lieues de terre dans un département fromenteux pour s’en former un parc. Le droit d’abuser ne va pas jusqu’à priver le peuple de sa subsistance. »