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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/154

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emploie tout son temps et son industrie à l’exploitation d’une mine, a souvent peine à retirer quelque profit de ses avances, et quelquefois le produit n’égale pas les frais. Et comment une administration surchargée d’affaires de tout genre pourrait-elle suivre les détails d’un travail très-difficile avec cette économie scrupuleuse, sans laquelle ces entreprises ruinent toujours leurs auteurs ? Les tentatives que le gouvernement a faites de temps en temps en France pour faire valoir les mines au profit du roi, n’ont servi qu’à en prouver l’impossibilité par de nouvelles expériences : on voit, par l’édit de 1601[1], que M. de Sully avait fondé de grandes espérances sur cette ressource ; mais il en fut bientôt désabusé.

§ II. Il est impossible de faire valoir les mines avec avantage au profit du roi. — Pour que l’exploitation d’une mine au profit du souverain lui soit avantageuse, il faut deux conditions : l’une, que la mine soit excessivement riche ; l’autre, que l’État soit très-petit. D’un côté, les produits d’une mine sont diminués, mais ne sont pas absorbés en totalité par quelques négligences dans la régie ; de l’autre, les négligences sont un peu moindres dans un petit État : l’objet est plus sous les yeux, il est plus important, parce que la

  1. Par l’édit dont parle Turgot, Henri IV confirmait à son profit le droit de dixième sur les mines, mais il en exceptait les mines de fer, de soufre, de salpêtre, d’ocre, pétrolle, charbon de terre, ardoise, plâtre, craie, et autres sortes de pierres pour bâtiments et meules de moulins, le tout, porte l’édit, par grâce spéciale, en faveur de sa noblesse et de ses bons sujets propriétaires des lieux.

    Les exceptions sont, comme on voit, en rapport avec les préjugés de l’époque, qui plaçaient surtout la richesse dans la possession des métaux précieux.

    En 1614, les États-Généraux s’élevaient en ces termes contre la redevance prétendue par le fisc : « Pour inviter vos sujets, par l’espérance de quelques profils, à s’employer à l’ouverture des mines découvertes et à découvrir dans votre royaume, vos très-humbles sujets supplient Votre Majesté de remettre les droits qui pour ce vous appartiennent, et ordonner à vos juges de condamner tous coupeurs de bourses, blasphémateurs, fainéants, vagabonds, gens sans aveu, à travailler auxdites mines, et les faire délivrer pour cet effet aux maîtres d’icelles, avec défense aux condamnés de laisser leurs ouvrages et s’absenter pendant le temps qu’ils auront été condamnés de servir aux mines, à peine d’être pendus et étranglés au lieu et à l’instant qu’ils seront trouvés ailleurs. »

    Le second point de la requête n’est pas aussi raisonnable que le premier : il y avait sans doute aux États-Généraux quelques maîtres de mines, qui avaient trouvé l’expédient commode pour hausser les profits, en obtenant le travail à meilleur compte.

    Le monument le plus important, sinon le plus vieux de l’ancienne législation sur les mines, est une ordonnance fondamentale de Louis XI, de 1471, qui ne fut enregistrée au Parlement de Paris que le 14 juillet 1475. (E. D.)