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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/155

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totalité des revenus est moindre, et le gouvernement est moins surchargé. C’est par ces raisons que plusieurs princes d’Allemagne gagnent à faire travailler leurs mines pour leur compte ; mais un grand État y perdrait. C’est sur le revenu territorial qu’il doit fonder les siens, et non sur les produits d’entreprises particulières dont l’administration ne pourrait s’occuper sans dérober son attention à des objets qui doivent la fixer tout entière. En attribuant à l’État la propriété des mines, les jurisconsultes ne lui ont donc rien donné, puisque le souverain ne peut par lui-même les mettre en valeur, et qu’il est réduit à en céder l’usage à des particuliers, qui seuls peuvent les exploiter avec avantage. Il aurait autant valu abandonner les mines au sort des autres biens que de se réserver un droit illusoire dont le prince ne peut faire usage qu’en le cédant.

§ III. Le droit de dîme sur les mines, quand il serait utile de le conserver, pourrait être levé à titre d’impôt, sans que la propriété des mines appartînt au Domaine. — Il est vrai que les empereurs romains, et plusieurs souverains après eux, en permettant aux particuliers d’exploiter des mines, se sont réservé le droit de prélever une dîme sur leur produit ; mais pour cela ils n’avaient nullement le droit de s’attribuer la propriété des mines. Cette dîme n’est autre chose qu’un impôt sur le produit des mines, et l’État lève des impôts aussi forts sur les autres espèces de biens sans y prétendre aucun droit de propriété particulière. Or, que les souverains lèvent cette dîme à titre d’impôt ou à titre de droit domanial, la chose est fort indifférente. S’il est avantageux à l’État qu’une partie des impositions porte sur le produit des mines (question très-susceptible de doute et que j’examinerai plus bas), le prince n’a besoin que de son autorité pour établir cet impôt ; si au contraire l’État a plus d’intérêt à encourager l’exploitation des mines par une entière franchise qu’à en tirer une branche de revenu, l’État fera très-sagement de remettre son droit domanial, et c’est ce que le roi a fait en plusieurs occasions, notamment par l’édit de février 1722 en faveur d’une compagnie établie pour exploiter les mines du royaume. Dans l’un et l’autre cas, la parité est entre l’impôt et le droit domanial, et puisque l’expérience a démontré que l’État ne peut trouver aucun avantage à faire travailler les mines pour son propre compte, il en résulte évidemment que le fisc n’a aucun intérêt direct au maintien du principe que la propriété des mines fait partie du domaine public ;