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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/160

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souterraines soit distinguée de celle de la superficie, et qu’elle appartienne au prince ; il est donc nécessaire que la loi lui donne irrévocablement cette propriété, non pour l’intérêt de son trésor, mais pour J’intérêt public.

§ IX. Réfutation des raisons qu’on allègue en faveur du système établi sur l’administration des mines. — Ce sont à peu près les mêmes qu’on allègue en faveur des monopoles de toute espèce. — Les arguments que je viens de rapporter sont, à ce qu’il me semble, les plus spécieux qu’on emploie pour autoriser les principes établis sur la propriété des mines, et je ne pense pas en avoir déguisé la force. Il s’en faut bien que je les trouve convaincants.

Je les discuterai l’un après l’autre, mais je ne puis m’empêcher de remarquer d’abord à quel point ils ressemblent à ceux qu’on entend journellement en faveur de tous les privilèges exclusifs. Les demandeurs ne manquent jamais d’alléguer les dépenses qu’ils ont faites pour trouver des secrets utiles ; ils craignent que ces secrets ne soient connus d’autres particuliers à qui cette connaissance n’aurait rien coûté, et qui, par conséquent, n’ayant pas les mêmes frais à retirer, leur enlèveraient le fruit de leurs recherches, en vendant à meilleur marché qu’ils ne peuvent faire.

Tout entrepreneur qui est parvenu à persuader que son entreprise est utile à l’État, ne manque pas de demander, sous ce prétexte, des ordres pour se faire fournir des manœuvres, des voitures, des matières premières, à salaire compétent. Si l’on écoute ces sortes de gens (et on ne les a que trop souvent écoutés), c’est toujours par mauvaise volonté que les marchands ou les ouvriers ne se contentent pas du prix qu’ils offrent, et le service est toujours prêt à manquer. Ils obtiennent des ordres ; on taxe le prix du travail ou des fournitures ; on croit avoir rendu justice aux ouvriers et aux propriétaires des matières, si ce prix n’est pas au-dessous du prix courant, et l’on oublie que, quand cela serait, on leur aurait toujours fait l’injustice d’attenter à leur liberté.

À entendre de même la plupart des manufacturiers, des gros commerçants, on regardera les petites fabriques, les colporteurs, comme la ruine des fabriques et du commerce : « Ces gens, dit-on, épargnent sur la quantité et sur la qualité des matières : ils donnent de mauvaises marchandises, parce que n’ayant point de fonds, ils sont toujours pressés de vendre vite, et qu’ils ne peuvent vendre vite