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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/161

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qu’en vendant à un prix trop bas, dont ils tâchent de se dédommager sur la marchandise. » Ce langage du monopole est le même dans toutes les branches de commerce : il ne doit pas être moins suspect dans la matière des mines que dans une autre, et j’espère montrer qu’il n’est pas mieux fondé.

§ X. Réponse à la première objection. Il n’est nullement nécessaire de donner aux entrepreneurs des mines le droit exclusif de travailler toutes celles d’un certain canton. — Personne ne contestera que la recherche et l’exploitation des mines n’exigent des avances énormes, et d’autant plus effrayantes que le succès est longtemps incertain : il est encore indubitable que personne ne se livrerait à de pareils risques, si le fruit de ses richesses ne lui était assuré. Mais l’entrepreneur ne peut avoir une assurance plus forte que celle qui résulte des avance ! mêmes qu’il a faites : plus il a fallu de dépenses pour creuser la terre, percer des galeries, et monter tout le travail d’une mine, et moins on peut craindre des concurrents. Quel homme serait assez extravagant pour faire les mêmes dépenses, quand il envisagera le désavantage d’avoir été prévenu, et de se trouver en concurrence avec une exploitation toute montée ? Puisque l’entreprise d’une mine est au-dessus des forces de tout propriétaire qui n’a qu’un bien médiocre, la crainte que chaque propriétaire n’ouvre sur son terrain est chimérique ; il serait bientôt puni de sa folie. Le premier entrepreneur n’aurait donc d’autre concurrence à craindre que celle d’une compagnie pareille à la sienne. Or, si la liberté générale n’empêche pas cette compagnie de se former et de risquer ses fonds, malgré le désavantage certain d’avoir à combattre une compagnie déjà en possession de la mine, je demande comment le seul obstacle de la liberté générale aurait pu empêcher une première compagnie de se former et de faire les mêmes avances ?

Dira-t-on que la première compagnie, épuisée par les dépenses de sa découverte, ne pourra soutenir la concurrence d’une compagnie nouvelle, qui, profitant de la découverte connue, partira du point où la première est arrivée, sans avoir les mêmes frais à faire ? Je réponds que, si la première compagnie est encore en état de travailler ou de trouver de l’argent à emprunter, elle a toujours de l’avantage sur la nouvelle, puisque ses puits sont ouverts, ses galeries pratiquées, et le filon entamé. La nouvelle compagnie serait obligée de faire les mêmes ouvrages pour arriver à ce filon ; et avant