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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/164

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neurs savent qu’ils risquent de perdre une partie de leurs frais, et ils font leur calcul en conséquence ; leurs bénéfices dépendent du hasard qui leur présente un filon riche et facile à mettre en valeur, et de l’habileté avec laquelle leurs ouvrages ont été dirigés ; ils n’ont pas non plus d’autres garants pour la sûreté de leurs avances. Si leurs ouvrages sont dirigés d’une manière trop dispendieuse, s’ils n’ont rencontré que des veines pauvres, leurs avances seront perdues, soit qu’ils aient un privilège exclusif, ou qu’ils n’en aient pas. Si, au contraire, leurs ouvrages sont bien conduits, et s’ils sont parvenus à un filon riche, fussent-ils hors d’état d’en continuer l’exploitation par leurs propres forces, la faculté de vendre leurs ouvrages et leurs établissements à une nouvelle compagnie les assurera bien mieux de ne pas perdre toutes leurs avances, que ne pourrait faire le privilège exclusif résultant d’une concession. Le système de la liberté générale, dans lequel les premiers entrepreneurs ont acquis, à titre d’occupation, la propriété incontestable de tous leurs ouvrages, leur assure donc un gage bien plus solide que le système domanial, où toute leur sûreté consiste dans une concession accordée pour un terme limité, à l’expiration duquel la propriété revient au prince, et tous les anciens travaux sont perdus pour ceux qui les ont faits. Bien loin donc que les concessions exclusives soient nécessaires pour exciter les entreprises, en assurant aux entrepreneurs la rentrée et le bénéfice de leurs avances, elles leur donnent moins de sûreté qu’ils n’en auraient dans le système de la liberté générale : donc rien n’oblige, à cet égard, d’y mettre aucune restriction.

§ XI. Réponse à la seconde objection. Il est inutile de forcer le propriétaire du sol à souffrir que les mineurs y fassent les ouvertures nécessaires pour continuer leur exploitation. — Je ne vois non plus aucune nécessité à donner atteinte au droit naturel qu’a tout propriétaire d’empêcher qu’on ne fasse des ouvertures dans son terrain malgré lui. En effet, quel prétexte a l’entrepreneur de la mine pour demander qu’on force le propriétaire à y consentir ? Avant de former une entreprise aussi considérable que celle de l’exploitation d’une mine, ne savait-il pas qu’il aurait besoin d’éventer ses galeries, de faire écouler ses eaux, et par conséquent d’ouvrir la terre dans plusieurs endroits ? N’a-t-il pas dû, en conséquence, s’arranger avec tous les propriétaires dans le terrain desquels il a