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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/165

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présumé qu’il pourrait être obligé d’ouvrir, et convenir avec eux de leur dédommagement ? Il n’y a aucun doute que ces arrangements ne se lissent toujours d’avance, s’il était établi que le propriétaire pourrait toujours refuser son consentement. Or, pourquoi vouloir faire par contrainte ce qui peut se faire librement ? La crainte qu’un propriétaire de mauvaise humeur n’arrête, par un refus capricieux, l’exploitation d’une mine, est une crainte chimérique, et l’intérêt réciproque des deux parties est un garant sur qu’elles s’accorderont. L’entrepreneur qui a besoin du consentement d’un propriétaire l’achètera, et le propriétaire ne le refusera pas s’il y trouve un profit suffisant ; il vendra son champ, s’il le faut, pourvu qu’on le lui achète assez cher, et c’est à l’entrepreneur à offrir un prix proportionné au besoin qu’il a de la chose.

Les ardoisières d’Angers et les plâtrières des environs de Paris n’ont point été prises par le prince, qui ne les croyait pas assez précieuses pour qu’il s’en emparât ; il ne les a pas concédées. Leur exploitation entraîne le plus souvent la destruction même du sol. Il faut, pour qu’elles soient exploitées, que l’entrepreneur achète la propriété du champ, et l’on ne voit pas que les propriétaires s’y refusent.

Le cas d’un refus fondé uniquement sur la mauvaise humeur n’est pas impossible, mais il sera rare, parce qu’il est rare que les hommes agissent contre leur intérêt. Le cas où l’entrepreneur voudrait abuser de la loi pour rançonner les propriétaires, en les menaçant d’ouvrir sur leur terrain, n’est pas non plus impossible, et il pourra être moins rare, parce qu’il est plus commun d’être injuste et méchant par intérêt que de l’être contre son intérêt.

D’ailleurs, le refus de l’ouverture n’est à craindre que dans le cas où l’entrepreneur aurait fait ses puits et ses galeries sans s’être assuré du consentement du propriétaire, et l’aurait mis par là dans le cas de lui faire la loi ; mais, comme il pouvait prévenir ce malheur en prenant d’avance ses précautions, il ne doit l’imputer qu’à son imprudence.

J’ajoute que l’on n’est pas nécessairement assujetti à placer dans tel lieu, plutôt que dans tel autre, les ouvertures qu’on est obligé de pratiquer d’espace en espace ; l’on a toujours à choisir entre plusieurs positions ; ainsi, l’on n’est presque jamais exposé à recevoir la loi d’un seul propriétaire. Si le premier auquel on s’adresse re-