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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/166

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fuse par caprice, un autre sera plus complaisant, et le premier sera privé du prix que l’entrepreneur aurait mis à son consentement. S’il n’y avait pas une assez grande liberté dans le choix des dispositions qu’on peut donner aux ouvertures, il arriverait souvent qu’on serait forcé à les pratiquer au milieu d’un village, d’une rue, sous des maisons, sous des églises, dans le parc d’un grand seigneur ; puisque cela n’arrive jamais, on peut être bien sûr que la crainte d’être forcé d’abandonner l’exploitation d’une mine par la mauvaise humeur d’un propriétaire, et la nécessité qu’on veut en induire de forcer les propriétaires à laisser ouvrir dans leur terrain malgré eux, n’ont pas le moindre fondement.

§ XII. Réponse à la troisième objection, tirée du prétendu danger des exploitations irrégulières. — Quant au motif de prévenir le danger des exploitations irrégulières, je ne puis m’empêcher de le regarder encore comme un prétexte imaginé par l’esprit de monopole. Je conviens qu’un paysan, qui fait un puits dans son champ pour tirer de la mine, ne fait pas tant de dépense en étais que l’entrepreneur d’une mine considérable, et qu’il ne se conforme aux règlements ni sur la forme ni sur la largeur des puits, ni sur la qualité des bois employés à soutenir les terres ; mais aussi n’a-t-il pas besoin d’aussi grandes précautions, parce qu’il n’est jamais dans le cas de creuser à d’aussi grandes profondeurs ; dès que l’exploitation de la mine surpasse ses forces, il l’abandonne, et pourvu que ses puits se soutiennent jusque-là, toute dépense pour leur donner une plus grande solidité serait en pure perte. Il est suffisamment intéressé à conserver sa vie, pour qu’on s’en rapporte à lui sur les précautions nécessaires ; malgré ces précautions, il arrivera sans doute des accidents, mais il en arrivera aussi dans les grandes exploitations ; je suis même très-persuadé qu’à proportion du nombre d’hommes employés, ils sont au moins aussi fréquents, mais ils n’alarment point l’humanité de ceux qui sollicitent des privilèges exclusifs, parce que leur sensibilité est le prétexte et l’intérêt le motif de ces alarmes.

Au vrai, les couvreurs, les charpentiers, courent bien autant de risques que les mineurs, soit dans les grandes, soit dans les petites exploitations. Une loi qui interdirait tous les travaux où les hommes peuvent courir le risque de leur vie, condamnerait une grande partie du genre humain à mourir de faim, et priverait la société d’une