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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/20

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article II. — Des mesures à prendre pour connaître l’étendue des besoins
que les bureaux de charité auront à soulager.

§ Ier. Donner indistinctement à tous les malheureux qui se présenteraient pour obtenir des secours, ce serait entreprendre plus qu’on ne peut, puisque les fonds ne sont pas inépuisables, et que l’affluence des pauvres, qui accourraient de tous côtés pour profiter des dons offerts sans mesure, les aurait bientôt épuisés. Ce serait de plus s’exposer à être souvent trompé, et à prodiguer aux fainéants les secours qui doivent être réservés aux véritables pauvres. Il faut éviter ces deux inconvénients.

§ II. Le remède au premier est de limiter les soins des bureaux de charité aux pauvres du lieu ; c’est-à-dire dans les campagnes à ceux de la paroisse, dans les villes à ceux de la ville et de la banlieue ; non pas uniquement cependant à ceux qui sont nés dans le lieu même : il est juste d’y comprendre aussi tous ceux qui sont fixés depuis quelque temps dans le lieu, y travaillent habituellement, y ont établi leur domicile ordinaire, y sont connus et regardés comme habitants. Ceux qu’on doit exclure sont les étrangers qui ne viendraient dans le lieu que pour y chercher des secours dus par préférence aux pauvres du lieu même. Ces étrangers doivent être renfermés, s’ils sont vagabonds ; et, s’ils ont un domicile, c’est là qu’ils doivent recevoir des secours de la part de leurs concitoyens, qui seuls peuvent connaître s’ils en ont un besoin réel, et si leur pauvreté n’est pas uniquement l’effet de leur fainéantise.

§ III. L’humanité ne permet cependant pas de renvoyer ces pauvres étrangers chez eux, sans leur donner de quoi subsister en chemin. Voici le moyen d’y pourvoir qui a paru le moins compliqué et le moins sujet à inconvénient. La personne préposée par le bureau de charité pour ce détail fournira au mendiant étranger sa subsistance en nature ou à raison d’un sou par lieue, jusque chez lui, si la distance n’est que d’une journée. Elle y joindra un passe-port ou certificat portant le nom du mendiant, le nom du lieu d’où on le renvoie et du lieu dont il se dit originaire et où il doit se rendre, le jour de son départ, et mention du secours qu’il aura reçu. Le mendiant, arrivé chez lui, doit présenter son certificat à l’officier de police, ou municipal, ou au curé, ou à celui qui sera préposé pour ce soin par le bureau de charité du lieu, et ce sera à ces personnes à s’occuper de lui procurer des secours ou du travail. Si cet étranger