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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/211

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Elbœuf, Duclair et Caudebec ; en sorte que, tant à l’achat qu’à la vente, le commerce des subsistances de notre ville de Rouen est privé de toute liberté, et concentré dans une société unique, ce qui constitue essentiellement le monopole ; qu’à la vérité l’exercice de ce privilège exorbitant et abusif a été modéré, à quelques égards, par les dispositions de la déclaration du 28 mai 1763 ; mais que ce qui en subsiste encore est très-nuisible au commerce, notamment par le droit de visiter tous les grains apportés dans ladite ville, de s’ériger en juges de leur bonne ou mauvaise qualité, et d’inquiéter les négociants ; en sorte que les fonctions de ces marchands privilégiés ne peuvent avoir d’autre effet que de les rendre seuls arbitres du prix des grains, et d’éloigner l’abondance, tant des quatre marchés soumis à leur privilège, que de notre ville de Rouen même. Nous sommes encore informé que, dans cette même ville, les acheteurs de grains ne sont libres ni de choisir les porteurs qu’ils veulent employer, ni de convenir de gré à gré du prix de leurs salaires ; que le droit de faire ces transports, au moyen d’un prix déterminé et taxé est réclamé par quatre-vingt-dix porteurs, chargeurs et déchargeurs de grains, dont les offices, très-anciennement créés, abolis ensuite, ont été rétablis et confirmés par arrêt du Conseil et lettres-patentes du 28 septembre 1675, et par autres lettres d’août 1677, registrées en notre Parlement de Normandie le 5 mars 1678 ; l’établissement de pareils offices est aussi inutile en lui-même, que contraire à la liberté publique. Enfin, nous sommes pareillement instruit que le droit de banalité, attaché aux cinq moulins qui appartiennent à notredite ville de Rouen, est également nuisible, soit à la facilité de l’approvisionnement, soit au prix modéré du pain, puisque ce droit emporte la défense aux boulangers de la ville d’acheter ou d’employer d’autres farines que celles qui proviennent desdits moulins ; et que même, cesdits moulins ne pouvant suffire à la consommation, l’on ne se relâche de cette défense qu’en obligeant les boulangers de payer au fermier de la banalité le droit de mouture sur les farines qu’ils sont obligés de faire fabriquer ailleurs ; que ce droit de banalité, qu’on annonce comme fixé seulement au treizième, augmente le prix du pain dans une proportion beaucoup plus forte ; qu’en effet, les boulangers des faubourgs, qui ne sont point sujets à la banalité, sont obligés, par ces règlements, de fournir le pain dans les marchés de la ville de