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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/292

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Ces dîmes inféodées ne sont devenues ecclésiastiques que parce que les fiefs auxquels elles sont attachées ont été donnés à des églises, ou à des monastères, comme dîmes ecclésiastiques ou comme dîmes inféodées.

Si l’on veut les regarder comme dîmes inféodées, et comme telles leur faire supporter l’imposition, quelles difficultés n’aurait-on pas à essuyer pour justifier leur nature, et à combien de contestations cela ne donnerait-il pas lieu !

Réponse de Turgot. — En renonçant à imposer le clergé, il devient inutile de discuter en détail les objections que fait ici M. le garde des sceaux.

Je m’abstiendrai donc de prouver que les dons gratuits du clergé n’ont jamais été au niveau de ce qu’il aurait dû pour acquitter les mêmes impositions que la noblesse, et dont il n’y avait aucune raison de l’exempter ; et je ne remarquerai qu’en passant que, si les décimes sont devenues pesantes, c’est parce qu’on a eu la faiblesse de permettre que le clergé acquittât ces dons gratuits, déjà insuffisants, par des emprunts qui se sont accrus à chaque don gratuit, et ont rejeté sur les ecclésiastiques successeurs de ceux qui semblaient faire un don gratuit, la charge que les membres du clergé, qui s’honoraient de ce prétendu don, auraient dû supporter.

Ce que j’ai dit sur les privilèges de la noblesse s’applique, et même avec plus de force, à ceux du clergé.

M. le garde des sceaux parle des privilèges du tiers-état.

On sait que la noblesse et le clergé ont des privilèges, et qu’il y a aussi dans le tiers-état quelques villes et quelques corporations particulières qui en ont. Mais le tiers-état en corps, c’est-à-dire le peuple, est bien loin d’avoir des privilèges ; il en a l’inverse, puisque le fardeau qu’auraient porté ceux qui sont exempts, retombe toujours sur ceux qui ne le sont pas.

Suite des observations du garde des sceaux. — Le roi contribuera lui-même à cette imposition pour les fonds et pour les droits réels des domaines de la couronne ; c’est-à-dire que les terres, les forêts et autres fonds domaniaux qui sont dans la main du roi, ainsi que les rentes dues aux domaines, et les redevances que les engagistes payent à Sa Majesté, seront imposés comme les fonds des particuliers.

Cette disposition aura sans doute été insérée dans l’article dont il s’agit, pour faire sentir que, puisque le roi lui-même veut bien contribuer à l’imposition pour la corvée à raison de son domaine et des droits réels qui en dépendent, les ecclésiastiques, les nobles et les autres privilégiés de son royaume ne doivent pas répugner à renoncer pour cet objet à leurs privilèges.