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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/359

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acquis, ainsi que plusieurs autres villes, le droit de banvin que Louis XIV avait alors aliéné ; et que, ces autres villes ayant en conséquence interdit l’entrée des vins étrangers à leur territoire, elles devaient avoir le même droit.

Rien n’était plus frivole que ce prétexte. Le droit de banvin, qui, comme les autres droits féodaux, a beaucoup varié suivant les temps et les lieux, ne consistait que dans un droit exclusif, exercé par le seigneur, de faire vendre son vin en détail pendant un certain nombre de jours. Les besoins de l’État firent imaginer, dans des temps difficiles, d’établir sous ce titre, au profit du roi, dans les lieux où les droits d’aides n’avaient point cours, et où ce droit ne se trouvait pas déjà établi au profit, soit du domaine, soit des seigneurs de fiefs : un droit exclusif de débiter du vin en détail pendant quarante jours ; ce droit fut mis en vente avec faculté aux seigneurs, et aux villes et communautés, de l’acquérir par préférence.

Il est évident que ce droit, de vendre exclusivement du vin en détail pendant quarante jours, ne pouvait s’étendre à la défense de consommer pendant un temps indéfini aucun vin recueilli hors du territoire ; il n’est pas moins évident que les villes, en acquérant ce droit, ont dû l’acquérir pour l’avantage de leurs concitoyens, par conséquent pour les en libérer, et non pour en aggraver encore le fardeau ; que surtout, après avoir laissé écouler quatre-vingts ans sans exercer ce prétendu droit, les officiers municipaux ne devaient plus être autorisés, sur leur seule demande, et sans aucun concours de l’autorité législative, à imposer de nouvelles prohibitions au commerce.

On ne peut imputer la facilité avec laquelle le parlement de Bordeaux s’est prêté à leurs demandes, qu’à l’habitude de regarder ce genre de prohibitions, si fréquent dans ces provinces, comme étant en quelque sorte de droit commun.

En effet, la même façon de penser paraît avoir régné dans toute la partie méridionale du royaume.

Les États de Béarn défendirent, en 1667, l’introduction et le débit de tous vins étrangers, depuis le 1er octobre jusqu’au 1er mai de l’année suivante. En 1745, ces mêmes États prirent une délibération qui proscrivait le débit de tous vins, jusqu’à ce que ceux du crû de la province fussent entièrement consommés. Cette délibération fut homologuée par arrêt du parlement de Pau. Elle fut cassée, ainsi