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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/364

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La culture est découragée dans les territoires non privilégiés, et même dans ceux dont le privilège local est plus que compensé par le privilège semblable des territoires environnants.

De telles entraves sont funestes à la nation entière, qui perd ce que l’activité d’un commerce libre, ce que l’abondance de la production, les progrès de la culture des vignes et ceux de l’art de faire les vins, animés par la facilité et l’étendue du débit, auraient répandu dans le royaume de richesses nouvelles.

Ces prétendus privilèges ne sont pas même utiles aux lieux qui en jouissent. L’avantage en est évidemment illusoire pour toutes les villes et bourgs de l’intérieur du royaume, puisque la gêne des ventes et des achats est réciproque, comme le sera la liberté lorsque tous en jouiront.

Partout où le privilège existe, il est nuisible au peuple consommateur, nuisible au commerçant ; les propriétaires des vignes ne sont favorisés en apparence qu’aux dépens des autres propriétaires et de tous leurs concitoyens.

Dans Marseille, dont les chefs se montrent si zélés pour l’exclusion des vins étrangers, cette exclusion est contraire aux intérêts du plus grand nombre des habitants de la ville, qui non-seulement sont forcés de consommer du vin médiocre à un prix que le défaut de concurrence rend excessif, mais qui même seraient obligés de se priver entièrement de vin, si, malgré la défense de faire entrer dans cette ville des vins prétendus étrangers, ceux qui sont si jaloux de cette défense et du privilège exclusif qu’elle leur donne, ne se réservaient pas aussi le privilège de l’enfreindre par une contrebande notoire, puisqu’il est notoirement connu que le territoire de Marseille ne produit pas la quantité de vin nécessaire pour les besoins de son immense population.

Aussi n’est-ce que par les voies les plus rigoureuses que le bureau du vin peut maintenir ce privilège odieux au peuple, et dont l’exécution a plus d’une fois occasionné les rixes les plus violentes.

Bordeaux, dont le territoire produit des vins recherchés dans toute l’Europe par leur délicatesse, et d’autres qui, dans leur qualité plus grossière, ne sont pas moins précieux par la propriété inestimable qu’ils ont de résister aux impressions de la mer, et à la chaleur même de la zone torride ; cette ville, que la situation la plus favorable pour embrasser le commerce de toutes les parties du