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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/386

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vance au receveur, sa règle presque unique dans la répartition a été de taxer ceux qui payaient le mieux, en sorte qu’un moyen assuré de voir augmenter ses charges l’année suivante était de bien payer l’année courante. Votre Majesté conçoit aisément combien cette forme a dû faire naître de lenteur dans les recouvrements ; elle a encore eu l’effet que chaque paysan n’a été occupé que de cacher son aisance, qu’il a craint de se livrer à son industrie, et qu’il a fui toute entreprise, toute acquisition, qui auraient pu donner aux collecteurs prise sur lui, et devenir un prétexte d’augmenter sa taxe. De là le découragement de l’industrie et l’appauvrissement des campagnes dans la plus grande partie des pays d’élection où la taille est restée personnelle et arbitraire. On s’est beaucoup occupé des moyens de remédier à ces maux ; mais il s’en faut extrêmement qu’on ait réussi : leur réforme est un des plus grands biens que Votre Majesté pourra faire à ses peuples.

Ces asséeurs-collecteurs étaient toujours choisis par la paroisse ; et, d’après les principes établis, la paroisse devait répondre de leur gestion. C’est à raison de ces principes que les anciens règlements avaient ordonné que, dans le cas de dissipation des deniers royaux par les collecteurs, les receveurs des tailles étaient en droit, après avoir poursuivi ces collecteurs par l’emprisonnement et la vente de leur mobilier, de se pourvoir devant le tribunal de l’élection pour être autorisés à contraindre, par voie d’exécution et d’emprisonnement, un certain nombre des habitants les plus haut taxés de la paroisse à payer les sommes dissipées par les collecteurs, sauf à ces habitants plus haut taxés à se pourvoir ensuite pour être remboursés de leur avance par la communauté.

Il fut rendu, en 1597, un règlement pour la Normandie, qui établit la contrainte solidaire contre les principaux habitants des paroisses dans plusieurs cas de rébellion ; dans celui où, faute d’avoir nommé les collecteurs, on n’aurait point fait l’assiette de l’imposition ; enfin, dans celui où les collecteurs nommés, devenant insolvables, n’auraient point payé la totalité des impositions dues par les paroisses ; ces dispositions, particulières à la Normandie, devinrent générales par les règlements de 1600. Les dispositions de ce règlement ont été confirmées par ceux de 1634 et 1663, et elles sont encore observées.

Je ne proposerai point à Votre Majesté de supprimer la contrainte