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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/502

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connaissance desdits cas, ainsi que de tous ceux relatifs aux précautions ordonnées pour arrêter les progrès de la contagion.

Enjoint Sa Majesté aux commandants dans les provinces, commandants et officiers de ses troupes, aux intendants et commissaires départis, aux officiers et cavaliers de maréchaussée, de tenir la main, chacun en droit soi, à l’exécution du présent arrêt, qui sera lu, publié et affiché partout où besoin sera.


V. POLITIQUE.
MÉMOIRES AU ROI SUR DIVERS SUJETS.

Mémoire au roi, sur la tolérance[1]. (Juin 1775.)

Sire, lorsque j’ai proposé à Votre Majesté de changer la formule des serments qu’elle devait prononcer à son sacre, je n’ai pu que lui indiquer sommairement les motifs qui me paraissaient devoir l’y déterminer. Je m’engageai alors à lui développer avec plus d’étendue les principes sur l’objet le plus essentiel de ces changements, c’est-à-dire sur l’usage de sa puissance dans les matières de religion. Votre Majesté, en rendant justice à mes vues, a craint l’éclat de la démarche que j’osais lui conseiller ; elle sait combien j’ai regretté qu’elle se soit soumise à des formules d’engagements dressées dans des temps trop dépourvus de lumières. Mais tout n’est pas perdu, et Votre Majesté ne peut être engagée à une chose qui serait injuste.

Vos serments, Sire, ont été prononcés en présence de Dieu et de vos sujets. Vos sujets ont intérêt, ils ont droit à votre justice ; Dieu vous en fait une loi. Commettre une injustice pour exécuter des formules qu’on vous a fait prononcer, serait violer ce que vous devez à Dieu, à vos peuples et à vous-même. Vous devez donc examiner, Sire, si les engagements contenus dans les formules du sacre, par rapport aux hérétiques, sont justes en eux-mêmes ; et s’ils sont injustes, c’est un devoir pour vous de ne les pas accomplir. C’en est un pour moi d’insister d’autant plus fortement auprès de vous sur un point qui intéresse essentiellement votre conscience, votre justice, le bonheur de votre peuple et le repos de votre État. Je vais m’acquitter de ce devoir.

Je n’ai rien déguisé à Votre Majesté de ma façon de penser ; elle l’a vue dans la lettre dont j’avais accompagné les nouvelles formules de serment que je lui proposais ; et j’ose lui répéter aujourd’hui qu’elle doit, à titre de chrétien, à titre d’homme juste, laisser à cha-

  1. Voyez, dans la Notice sur Turgot, le détail des circonstances qui provoquèrent la rédaction de ce Mémoire.