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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/54

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lement ordonné que tous marchands de blé, fermiers, régisseurs, propriétaires et décimateurs des provinces du Limousin et du Périgord, sans exception d’état, qualité ou condition, feront porter d’ici au 15 juillet prochain, successivement et chaque semaine, dans les marchés des lieux, quantité suffisante de blés de toute espèce pour l’approvisionnement desdits marchés, eu égard à celles qu’ils ont en leur pouvoir, et sur icelles préalablement prise la provision nécessaire pour eux, leur famille et leur maison ; mais a fait inhibitions et défenses à toutes sortes de personnes, de quelque état et condition qu’elles soient, de vendre en gros ou en détail lesdits grains dans leurs greniers, ni ailleurs que dans lesdits marchés ; sa Majesté a reconnu que les moyens pris par son Parlement de Bordeaux, pour soulager le peuple et lui procurer l’abondance nécessaire, sont contraires aux vues de bien public dont ce Parlement est animé ; que la nécessité imposée à toutes personnes de porter aux marchés les grains qui leur appartiennent, et sur lesquels ils ne pourraient prélever que leur provision, en répandant l’alarme et la terreur, déterminerait les propriétaires de grains à employer tous les moyens et détours possibles pour cacher leurs grains et éluder l’exécution de l’arrêt, et produirait nécessairement le resserrement que cette Cour a voulu prévenir ; que d’ailleurs la rareté de la denrée, occasionnée dans ces provinces par la médiocrité des dernières récoltes, est suffisamment réparée par l’activité du commerce, qui y fait importer les grains dont elles peuvent avoir besoin, et que, si les frais indispensables de transport en augmentent le prix, Sa Majesté a fait verser dans le Limousin des fonds de son Trésor royal, pour occuper le peuple, suivant les différents âges et métiers, à des ouvrages publics, assurer par ce moyen et multiplier ses salaires, et le mettre dans la possibilité d’acheter les grains au prix où les frais nécessaires pour les faire arriver jusqu’à lui les auraient fait monter ; mais que les défenses de vendre ailleurs qu’aux marchés détourneraient les commerçants par lesquels ces importations utiles de grains sont faites, et qui ne cherchent que le prompt débit dans la vente, et l’épargne des frais de magasin et de manutention auxquels ils seraient sujets s’ils étaient obligés à porter en détail et par parcelles dans les marchés, et feraient enfin tomber nécessairement le peuple de ces provinces dans la disette dont le Parlement de Bordeaux a voulu le garantir. À quoi étant nécessaire de pourvoir, ouï le rapport du sieur abbé