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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/584

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quel serait fixée la durée de sa perception. Aucune de ces ressources ne peut être seulement tentée en temps de paix, et l’éclat que feraient les difficultés qu’éprouverait la tentative, donnerait plus d’alarmes aux Anglais que nos armements mêmes.

Cette dépense ruineuse, et j’ose dire impossible dans la circonstance, serait bien à regretter en même temps qu’elle nous consumerait inutilement en frais, tant que nos îles ne seraient point attaquées : elle serait insuffisante dans le cas où nous serions attaqués.

Cette insuffisance ne me paraît que trop aisée à prouver.

Il est vrai que, tant que la Grande-Bretagne n’aura dans l’Amérique d’autres forces maritimes que des frégates, une escadre de vaisseaux de ligne, même peu considérable, suffirait pour mettre en sûreté les possessions des deux couronnes. Mais il est impossible qu’ils imaginent de porter leurs armées de terre hors du continent, pour former des entreprises contre nos établissements, sans les faire accompagner par de puissantes escadres. On peut être assuré qu’ils n’omettront rien pour les rendre supérieures à celles que nous aurions envoyées pour les attendre.

Si, comme il est vraisemblable, dans le cas prévu d’une réconciliation prompte, les Anglais ont en Amérique trente mille hommes disponibles, il est de toute impossibilité que nos forces, nécessairement partagées entre tous les points susceptibles d’être attaqués, soient en aucun de ces points en état de résister à de pareilles armées, même quand nos troupes seraient beaucoup plus nombreuses qu’on ne peut raisonnablement le proposer. Mettre tous les points menacés en état de ne pas craindre un tel danger, serait un effort au-dessus de tous nos moyens. Quand cet effort serait possible, il ne serait pas raisonnable, et nous perdrions moins à sacrifier nos colonies, qu’à les garder à un si haut prix.

Il faut encore observer que l’intempérie du climat de nos îles fait périr en très-peu de temps une grande partie des troupes qu’on est obligé d’y envoyer, et qu’ainsi il ne faut pas compter à beaucoup près pour la défense effective sur les forces qu’on a fait passer, et peut-être sur la moitié. Cette consommation d’hommes, que les troupes britanniques n’éprouvent pas dans le climat sain de l’Amérique Septentrionale, rendrait encore la dépense de nos efforts plus disproportionnée et plus insuffisante pour son objet. Enfin, j’ai dit qu’une pareille mesure était dangereuse. — Elle présente en effet