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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/704

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teurs de notre religion prêchent cette même tolérance, si contraire aux idées de quelques personnes peu instruites.

« Il n’y a que l’impiété, dit Tertullien, qui ôte la liberté de religion, et qui prétende enchaîner les opinions sur la Divinité, en sorte qu’on ne puisse adorer le Dieu qu’on veut, et qu’on soit forcé de croire celui qu’on ne veut pas. Que nous importent les sentiments des autres ? La force n’appartient point à la religion ; on doit l’embrasser de plein gré, et non par contrainte[1]. »

« Le propre de la vraie religion, dit saint Athanase, n’est pas de contraindre, mais de persuader… C’est ce que Jésus-Christ voulait nous faire entendre, quand il disait au peuple : « Si quelqu’un veut venir à moi » ; et à ses apôtres : « Et vous aussi, vous voulez donc me quitter[2] ! »

« La foi, dit saint Ambroise, vient de la volonté, et non de la nécessité[3]. »

« Si quelqu’un ne veut pas croire, dit saint Chrysostôme, qui est-ce qui a droit de l’y contraindre[4] ? »

« Ce n’est pas, dit Théophilacte, que je veuille commander à votre foi, qui doit être volontaire ; car qui peut faire croire quelqu’un malgré lui[5] ? »

Mais personne n’a parlé sur ce point plus fortement que Lactance. « Il faut défendre la religion, dit-il, non par le meurtre, mais par le martyre ; non par la persécution, mais par la patience ; non par le crime, mais par la foi… Si vous voulez défendre la religion par les supplices, vous ne la défendez pas, vous la souillez, vous la transgressez. Rien n’est si volontaire que la religion… Nous ne demandons pas qu’on adore Dieu malgré soi ; et si quelqu’un ne le fait pas, nous n’avons pas contre lui de colère… C’est dans la religion, dit-il ailleurs, que la liberté a établi sa demeure[6]. »

« Vous comprenez, disait saint Hilaire à l’empereur Constance, qu’on ne doit contraindre personne, et vous ne cesserez de veiller à ce que chacun de vos sujets jouisse des douceurs de la liberté… Permettez aux peuples de prendre pour guides ceux qu’ils voudront… Il n’y aura alors ni divisions ni murmures… Dieu a plutôt montré qu’on devait le connaître qu’il ne l’a exigé… Il a rejeté tout hommage forcé. Si l’on employait la violence en faveur de la vraie foi, les évêques s’élèveraient et diraient : « Dieu est le Dieu de tous les hommes, il n’a pas besoin d’un hommage involontaire ; il rejette toute profession forcée ; il ne faut pas le tromper, mais le servir ; c’est pour nous et non pour lui que nous devons l’adorer. Je ne puis recevoir que celui qui veut, écouter que celui qui prie, mettre au nombre des chrétiens que celui qui croit. — douleur ! dit-il encore, les hommes protégent la religion de Dieu[7] ! »

Saint Augustin lui-même, qui n’a pas toujours été porté à la douceur, disait aux manichéens : « Que ceux-là sévissent contre vous, qui ignorent combien il est difficile de découvrir la vérité et d’éviter les erreurs. Pour moi, je ne puis sévir contre vous ; je vous dois les mêmes égards et la même dou-

  1. Ad scapulam.
  2. Ad solit. vit. agent.
  3. Fides voluntatis est, non necessitatis.
  4. Si quis nolit credere, quis habet cogendi jus ?
  5. Non quod fidei vestræ imperem, quæ voluntaria est : quis enim ad hanc invitum cogit et nolentem ?
  6. Lib. X. Institut, cap. xx et cap. vii.
  7. Ad. Constant, et ad Aux.