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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/827

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J’ai l’honneur d’être avec autant d’admiration que de respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

L’abbé de L’Aage des Bournais.

Lettre V. — Au même. (À Paris, le 21 septembre 1770.)

J’ai reçu, mon cher Caillard, votre lettre de Gênes, et j’ai vu dans la gazette l’arrivée de M. de Boisgelin à Parme. Je souhaite que vous vous y portiez bien, et que vous continuiez d’être contents l’un de l’autre. Le grand article sur lequel je ne cesserai de vous presser est celui de la paresse ; c’est un défaut dont je sens d’autant plus les inconvénients, que c’est aussi le mien ; il est essentiel de le vaincre.

Je n’ai point la seconde réponse de Ferney, et j’en suis un peu impatient. Le piège, si c’en est un, est assaisonné de tant de politesses qu’on ne devrait pas s’en fâcher. MM. d’Alembert et de Condorcet partent à la fin de cette semaine pour Genève ; ils iront de là faire le voyage d’Italie. C’est pour sa santé que M. d’Alembert voyage, et comme son état n’est qu’une espèce d’épuisement occasionné par le travail, le repos de l’esprit et le mouvement du corps le guériront sûrement. M. de Condorcet voyage pour l’accompagner, vous les verrez tous deux, et vous serez sûrement bien content de la simplicité de caractère de M. de Condorcet. Celui-ci s’est chargé de m’envoyer le livre de Beccaria sur l’électricité.

Je ne vous envoie point de nouvelles. M. de Boisgelin les reçoit sûrement fort exactement. Ces nouvelles ne laissent pas de fournir matière aux réflexions politiques et morales. Le parlement paraît assommé par la dernière séance du roi. Il y a répondu par des paroles, et a continué la délibération au 3 décembre. Nous allons vraisemblablement voir un nouvel ordre de choses[1].

On attend le Supplément à l’Encyclopédie de Voltaire, en 12 ou 15 vol. in-8. J’en ai vu le premier volume ; il n’a jamais rien fait de si mauvais. Adieu, mon cher Caillard. Vous connaissez tous mes sentiments pour vous. Mille compliments à M. de Boisgelin et à M. Melon. Je retournerai à Limoges à la fin du mois, et c’est là qu’il faut me répondre.


Lettre VI. — Au même. (À Limoges, le 16 octobre 1770.)

Je reçois ici, mon cher Caillard, votre lettre du 29. Je commence à croire que vous ne verrez ni d’Alembert, ni M. de Condorcet. D’Alembert n’a point du tout pris goût aux voyages, et il se bornera à courir quelque temps les provinces méridionales, après avoir passé quelque temps à Ferney, où il est.

L’abbé de L’Aage n’a reçu aucune réponse, et j’imagine qu’on n’a pas daigné faire attention à sa seconde lettre, et que le compliment n’était qu’une politesse vague, après lequel on avait jeté le manuscrit dans quelque coin où l’on aurait eu trop de peine à le déterrer. L’abbé de L’Aage aurait bien fait de mettre M. d’Alembert dans sa confidence, et de le prier de sonder discrètement le patriarche de Ferney ; mais il n’est plus temps.

À propos de l’abbé de L’Aage, il me charge de vous rappeler certains dis-

  1. Maupeou s’apprêtait alors à dissoudre les parlements, et le duc d’Aiguillon à remplacer Choiseul au ministère.