Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/845

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous avons à présent, à propos d’électricité, le fameux Franklin à Paris ; mais il a autre chose à penser, et néglige un peu la physique ; il n’y faut pas avoir de regret, si ses vues réussissent. Mais nous sommes trop loin du théâtre de la guerre pour juger entre les récits opposés. Il paraît pourtant en gros que les Américains ne sont pas encore suffisamment aguerris ; tout consiste à savoir s’ils auront le courage d’être longtemps battus, et de rester unis.

M. de Marguery m’a fait passer les livres que vous lui avez remis pour moi ; il est rare de trouver des marins aussi instruits que lui.

Je vois avec plaisir que vous êtes content de la vie que vous menez à Copenhague ; il est cependant fâcheux de n’avoir point de commerce avec les lettres, quand on a du loisir. Il s’est ouvert en physique, depuis quatre ou cinq ans, une nouvelle mine plus vaste que l’électricité ; c’est l’analyse de l’air, et la recherche de toutes ses espèces ou modifications, et de ses combinaisons avec les corps ; les découvertes qu’on y fait journellement ont déjà donné à la chimie une face toute nouvelle. L’abbé de L’Aage s’occupe quelquefois de cet objet ; il n’a pas oublié l’entreprise dont vous étiez confident. Après une longue interruption, il l’a reprise, et il ne lui reste plus que neuf vers à traduire. Il éprouve ce que vous lui aviez prédit, c’est qu’arrivé près à » la fin, il s’obstinerait à finir, et qu’il y perdrait beaucoup de temps ; il veut pourtant employer utilement celui qui lui reste.

Je crois que vous me dispensez de vous mander des nouvelles publiques. On sait tout au fond par les gazettes ; mais on n’a que le squelette des événements ; le coloris, et la physionomie, sont continuellement déguisés. Qu’y faire ?

J’oubliais de vous demander ce que je vous dois, et à qui il faut le remettre.


Lettre XXIV. — Au même. (À Paris, le 13 février 1778.)

Vous devez me trouver bien paresseux, monsieur, d’avoir laissé passer des mois entiers sans vous remercier de votre attention à enrichir ma bibliothèque de morceaux précieux qui la rendent une des plus complètes dans la partie des langues ; heureusement vous me connaissez assez pour être sûr que mon silence Devient d’aucune altération dans mes sentiments, et que je n’en suis pas moins reconnaissant de ceux que vous me conservez. Je sais aussi que vous avez des motifs d’être un peu indulgent en matière de paresse.

Les attaques fréquentes de goutte que j’ai eues depuis quelque temps ont un peu contribué à augmenter la mienne, par la grande perte de temps que m’occasionnent d’un côté le soin de ma santé et de l’autre les soins de mes amis, dont le chancelier Bacon disait, avec tant de raison : amici fures temporis. — Malgré la lenteur de mes remerciements, j’espère que vous n’en aurez pas moins pensé à me compléter les Mémoires de Pétersbourg, c’est-à-dire à me procurer le 14e et le 15e volumes, et ceux qui ont paru depuis le 16e. Je voudrais bien qu’on pût y joindre l’ouvrage d’Æpinus, intitulé Tentamen theoriæ electricitatis et magnetismi ; c’est un in-quarto imprimé à Pétersbourg.

M. votre frère a dû vous mander dans le temps l’obstacle qui s’opposait à votre projet pour l’obtention d’une bourse. À l’exception de celles qui sont