Aller au contenu

Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dogne, soit au port de Souillac, petite ville du Quercy, qui n’est qu’à huit lieues de Brive, soit au port de Saint-Léon sur la Vézère, d’où ils se débouchaient dans l’intérieur du Limousin. Ces trois négociants se sont livrés à ce commerce jusqu’à la récolte de 1770, avec un zèle dont je ne puis assez me louer, et même avec un désintéressement vraiment estimable ; car, bien loin de chercher à s’emparer seuls de ce commerce, il est à ma connaissance qu’ils procurèrent toutes sortes de facilités à tous les autres négociants du pays qui voulurent l’entreprendre, et ce sont eux principalement qui ont assuré la subsistance de l’élection de Brive et d’une partie de celle de Tulle pendant l’année 1770.

J’avais aussi pris des arrangements pour qu’ils envoyassent à Angoulême un vaisseau chargé de seigle, qu’ils avaient fait venir de Stettin ; mais la cargaison de ce vaisseau, s’étant trouvée un peu altérée, donna lieu à une condamnation de la part des officiers de police d’Angoulême, en sorte que d’un côté cette ressource devint absolument nulle, et que de l’autre ces négociants firent sur cette cargaison une perte très-considérable. Je reviendrai sur cet objet à la fin de cette lettre, en vous parlant de l’indemnité qu’il me paraît juste de leur accorder.

Comme l’effet de ces mesures générales était nécessairement un peu lent, et comme d’ailleurs la quantité de grains que j’avais pu faire venir du dehors ne pouvait qu’être très-disproportionnée à l’immensité des besoins ; comme enfin ces blés étrangers, quoique rendus à Limoges ou à Brive, se trouvaient encore très-éloignés d’un grand nombre de lieux affligés de la disette, et qui pouvaient trouver quelque ressource dans le commerce avec les provinces circonvoisines, je crus devoir faciliter ce commerce par quelques avances faites à plusieurs villes, et qui devaient être confiées sans intérêt à quelques négociants ou autres citoyens accrédités, qui y joindraient leurs propres fonds, pour faire venir des lieux les plus à portée le plus de grains qu’il serait possible, à l’effet de vendre ces grains sur-le-champ, et de reverser successivement le produit des ventes dans de nouveaux achats. J’exigeais seulement que les fonds rentrassent en totalité dans le courant du mois d’octobre 1770.

J’employai une somme de 28,000 fr. à ces prêts, et je la répartis entre plusieurs villes de la généralité. Cette opération eut assez de succès, et dans quelques-unes de ces villes, au moyen des fonds