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Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/43

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UNE VIE BIEN REMPLIE

d’eau. Ayant laissé mon paquet dans une auberge, je descendis voir de près les petits cours d’eau ; à 50 mètres du gros du fleuve, il y en avait un de 10 pas de large environ, avec de l’eau qui ne venait qu’aux chevilles. Je me déshabillai et m’assis dedans ; c’était si tiède, le sable me chatouillait les reins, c’était un vrai bonheur ; lorsque, en regardant du côté de la rive sèche, je vis deux hommes qui accouraient vers moi en faisant de grands gestes ; ces hommes étaient des charretiers qui se trouvaient dans l’auberge où j’avais laissé mon paquet ; je me levai pour voir ce qu’ils voulaient, mais au lieu d’avoir de l’eau aux chevilles, j’en avais jusqu’aux cuisses ; devant moi, un trou s’était formé et, derrière mon dos, le sable s’était amoncelé, de sorte qu’en me levant, je me trouvais ensablé ; je me tirai de là facilement ; les deux hommes qui m’avaient rejoint me dirent alors qu’ils m’avaient vu en danger et qu’ils étaient accourus. À leur dire, si j’étais resté un quart d’heure de plus dans ce joli cours d’eau, j’y serais resté pour de bon ; je les remerciai bien.

Je travaillai ensuite à Montrichard, où il y a un restant de donjon féodal, pays riche en cultures et vignes ; à quelques kilomètres sont les fameuses carrières de Bourret, qui ont fourni, depuis des siècles, des pierres qui ont servi à bâtir les châteaux de la Loire.

Ce pays me plaisait ; considéré et aimé des patrons ; seulement on y travaillait souvent de trop ; le patron ne se gênait pas de venir me réveiller à cinq heures du matin. En septembre, je l’aidai à faire les vendanges et à tirer le vin ; il fit de son mieux pour me griser et il y réussit ; ce soir là, quand je rentrai à ma chambre, j’avais une figure si défaite que je me promis bien de ne jamais plus m’enivrer ; j’ai tenu parole.

Dans la même chambre d’hôtel, nous étions trois ouvriers aimant la lecture ; un serrurier et moi, nous lisions tout haut pendant quatre heures ; mais notre camarade, un petit tailleur, a lu une fois tout haut pendant six heures. ce qui s’appelle bien lire ; pareille chose est rare et mérite d’être noté.

En quittant Montrichard, je travaillai aux Montils ; sol assez riche, mais où les habitants étaient pauvres, parce que