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Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 4, 1934.djvu/107

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J’ai encore quelques mots à dire sur l’histoire du problème.

De temps immémorial, on a donné de ce problème une solution simple, pratique et même brutale.

Elle consiste à définir l’intelligence par la scolarité. Plus un pays a conservé sa figure primitive, plus il est stationnaire, plus cette définition par les études contrôlées y est importante, sinon exclusive.

L’Intelligence-Classe est alors la classe de ceux qui ont fait leurs études ; les études sont démontrées par les diplômes, preuves matérielles. Mandarins, clercs, docteurs, licenciés constituent la classe intellectuelle, qui est ainsi désignée de la façon la plus claire, (puisqu’elle est matérielle), et devient très aisément dénombrable. Ce système est excellent pour la préservation et la transmission des connaissances, médiocre sinon mauvais pour leur accroissement. Il arrive aussi que la preuve matérielle soit plus durable que ce qu’elle prouve, que le zèle, la curiosité, la vigueur mentale de celui qu’elle institue membre de la caste des lettrés.

Parmi les inconvénients du système, il faut signaler l’ankylose de l’homme dans son attitude initiale. On me dit qu’il est encore possible en Amérique de changer de carrière à tout âge, de passer du libéral au manuel et réciproquement.

De cette conception si ancienne et si commode, on passe très aisément à la notion moderne des professions libérales.

Ce sont, paraît-il, les professions qui conviennent à un homme libre.

Un homme libre ne devait pas vivre du travail de ses mains.