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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/360

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les fleurs et la poudre, terre de vignes et de volcans !

Ces paysans, ces paysannes qui passent, ce sont mes frères en veste de laine, mes sœurs en tablier rouge… ils sont pétris de la même argile, ils ont dans le sang le même fer !

Deux mots de patois, qui ont tout d’un coup brisé le silence d’une petite gare perdue près d’un bois de sapins, ont failli me faire évanouir.

Nous approchons !

Je suis pâle comme un linge, je l’ai vu dans la vitre, j’avais l’air d’un mort.


Le Puy ! Le Puy !…

Je reconnais les enseignes, un chapeau en bois rouge, la botte à glands d’or, le Cheval blanc, l’Hôtel du Vivarais.

À une fenêtre, je vois tout à coup apparaître une face pâle avec de grands yeux noirs au larmier meurtri, et j’entends un cri…

— Jacques !

C’est ma mère qui m’appelle et qui me tend les bras ! Elle vient au-devant de moi dans l’escalier et m’embrasse en pleurant.


— Comme tu as l’air dur ! me dit-elle au bout d’un moment.


C’est qu’en effet j’ai senti comme le froid d’un couteau dans le cœur, en entrant dans la chambre où elle m’a entraîné et qui a comme une odeur de chapelle.