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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/446

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J’ai voulu en faire l’épreuve. Je suis allé à la Grève, un matin, pour voir s’il était possible à un lettré, qui aurait un cœur de héros, de descendre des hauteurs de sa chambre, d’aller parmi les maçons et de demander de l’ouvrage.

Allons donc ! On m’a pris pour un escroc qui voulait se cacher sous du plâtre.


On ne trouve pas à vivre en vendant son corps, pour un mois, une journée ou une heure, en offrant sa fatigue, en tendant ses reins, en disant : « Payez au moins mon geste d’animal, ma sueur de sang ! »

Je veux l’écrire en grosses lettres et le crier tout haut.


Pauvre diable, qu’on nomme bachelier, entends-tu bien ? si tes parents n’ont pas travaillé ou volé assez pour pouvoir te nourrir jusqu’à trente ans comme un cochon à l’engrais, si tu n’as pas pour vingt ans de son dans l’auge, tu es destiné à une vie de misère et de honte !


Tu peux au moins, le long du ruisseau, sur le chemin de ton supplice, parler à ceux qu’on veut y traîner après toi !

Montre ta tête ravagée, avance ta poitrine creuse, exhibe ton cœur pourri ou saignant devant les enfants qui passent !

Fais-leur peur comme le Dante, quand il revenait de l’enfer !

Crie-leur de se défendre et de se cramponner des