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Page:Vandervelde - La Belgique et le Congo, le passé, le présent, l’avenir.djvu/84

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d’accord que, pour produire le montant nécessaire pour la libérer de toutes ses obligations envers l’État, chaque femme doit, pour ainsi dire, travailler incessamment pendant douze mois par an. Ceci est tellement vrai que M. Armstrong dit « qu’il leur est impossible de quitter leur village, à aucun moment, par crainte des conséquences d’un manquant de fournitures, pour lequel elles sont passibles de punition », tandis que le rév. M. Stonelake et le rev. Hope Morgan disent tous les deux que, par suite du labeur incessant que la taxe leur impose, les femmes ne peuvent pour ainsi dire plus avoir d’enfants. Leur travail est encore augmenté par le fait que la chikwangue doit être amenée tous les quatre, huit ou douze jours, et, quoique ceci soit censé être l’ouvrage des hommes, le transport se fait en réalité, pour la plus grande partie, par les femmes et les enfants[1].

Ces constatations, au surplus, ne furent pas admises sans réserves par l’État Indépendant. Dans les Notes sur les rapports consulaires du Livre Blanc[2], l’Administration prétendit que l’impôt étant de 24 francs, et la valeur marchande du kilogramme de chikwangue de 10 centimes, les prestations imposées ne devraient être que de 240 kilogrammes par an et non de 400 ; que si l’activité des femmes était parfois absorbée par la préparation de la chikwangue, c’est parce qu’elles ne travaillaient pas seulement pour payer l’impôt, mais pour subvenir aux besoins alimentaires de leur famille ; qu’il était absurde de prétendre que, pour ce motif, elles n’avaient pour ainsi dire plus d’enfants ; qu’au surplus, le paiement de l’impôt en chikwangues, comme en tout autre produit, était une faculté pour l’indigène, celui-ci ayant le droit de se libérer en argent

Il est très difficile de dire quel est le nombre réel de kilogrammes de chikwangue qui étaient exigés à titre d’impôt. Il n’est pas douteux, d’autre part, que la chikwangue formant la base de l’alimentation des indigènes, les femmes des villages ne travaillaient pas seulement pour le personnel noir de Bula Matadi. Je dois ajouter qu’en 1908, dans les villages

  1. Africa, n° 1, 1908.
  2. Bulletin officiel de l’État Indépendant du Congo, mars-avril 1908, p. 63.