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Page:Variétés Tome V.djvu/193

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Pour affin d’esblouir les yeux des regardant.
Aux uns de bas estat, aux autres de plus grand,
Je baille des habits pour chacun leur argent,
Les grands me recherchant, et aussi les petits,
Pour tirer de l’argent de quelques vieux habits.
À tailler des chausses je ne passe la nuict,
Pour les quelles avoir fait, bien souvent il vous cuit ;
Mais en n’y pensant point, et presque en me jouant,
Je suis tout esbahy qu’il me vient de l’argent.
Donc, ô tailleurs d’habits ! vous n’estes qu’artisans,
Et nous, qui les vendons, nous sommes les marchands.
Or jugez maintenant lequel est plus capable,

Ou de celuy qui vend, ou celuy qui travaille ?

Après que le fripier eut fini son propos.
Le tailleur commença lui respondre aussi tost

Je sçay bien que souvent vous estes frequenté,
Mais ce sont des chalans de peu d’authorité :
Car n’ayant pas d’escus la bource bien garnie,
Pour avoir des habits vont à la friperie,
Ce sont le plus souvent des coureurs de pavé
Qui au soir à six heures n’ont encore disné ;
Ce sont tous des chercheurs de franche lipée9,
Qui n’ont ny pot au feu ny escuelle lavée ;
Qui, n’ayant le moyen d’avoir des habits neufs,


9. On appeloit les parasites chercheurs de franches lippées. (Le P. Labbe, Etymologie des mots françois.) La Fontaine, dans sa fable du chien et du loup, a aussi employé ce mot de franches lippées pour repas happés gratis, et Regnier, sat. 10, v. 282–285, parle ainsi des gens qui s’en mettent en quête :

L’un en titre d’office exerçoit un berlan,
L’autre estoit des suivants de madame Lippée
Et l’autre chevalier de la petite espée.