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Page:Varley - Une jeune fille à la page, 1938.djvu/115

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— Il y aura un « bal apache » à Samois, chez Mrs Ross, une américaine excentrique, mardi soir ; je crois que ce sera drôle. Si tu veux y aller, prépare un costume épatant.

Il le fut.

Une longue robe de tissu ciré noir ; un tablier de soie rouge brodé d’un cœur noir qui n’était pas à sa vraie place ; un foulard de même couleur, avec un cœur plus petit qui retombait joliment sur ma poitrine. Le coiffeur m’avait, avec mes cheveux mi-longs, fabriqué une espèce de chignon au-dessus de la tête. J’eus du mal à me reconnaître, tant j’avais l’air d’une authentique radeuse 1900.

La fête battait son plein ; ce n’étaient que bagnards, hommes du milieu, filles au sourire raccrocheur. Mes cœurs eurent le plus vif succès et j’étais d’une gaieté étourdissante. Après une danse, je cherchais Stasia, quand je la vis à une table avec plusieurs personnes ; je m’approchai ; elle ne me présenta point. Les usages mondains étaient bannis ce soir-là. Or, à cette table il y avait un homme qui n’était pas déguisé ; il était indiscutablement beau. Jeune encore, trente-cinq ans peut-être, des cheveux blancs, tout blancs, ondulés régulièrement, un visage frais, bronzé, un front droit, des yeux très longs, une bouche délicate que surmontent de fines moustaches plaquées régulièrement. Pas très grand, mais élégant sous l’habit.

Je m’assieds à son côté.

— Vous êtes à l’amende, pourquoi n’êtes-vous pas déguisé ?

— Mais je le suis : je présente un cambrioleur mondain.