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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/100

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LES DEMI-SEXES

chaient de distance en distance. Sa taille mince se cambrait sur le velours du fauteuil, elle aspirait nonchalamment un gros bouquet d’œillets blancs que Julien lui avait offert. Il n’avait pas quitté sa place derrière elle et la regardait ardemment sans qu’elle parût y prendre garde. Il était encore sous le charme de l’incroyable sensation qu’il venait d’éprouver en sentant la main audacieuse de la jeune fille chercher la sienne. Cela avait été inouï autant qu’inattendu. Tout son sang allumé sous cette prise s’était précipité de son cœur comme soutiré par elle. Il était devenu d’une pâleur affreuse et avait pensé perdre connaissance. Maintenant, il n’osait parler, se demandant si un bonheur aussi invraisemblable pouvait être réel.

Dans la lumière factice des lampes électriques, le visage de mademoiselle de Luzac s’idéalisait de blancheur, le bleu léger de ses yeux avait des reflets d’aigues-marines. Il la contemplait torturé et ravi. Qu’avait-il donc fait pour être distingué par elle ?… Camille lui parlait, et il ne savait que répondre, dans le désir qui le prenait de lui crier sa joie et de se traîner à ses pieds dans la poussière. Elle le gardait à son côté parce qu’il était beau, na-