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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/140

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LES DEMI-SEXES

n’unissait leurs pensées. Quand il cherchait à s’associer à l’action de son esprit, il rencontrait une barrière infranchissable. Ils n’étaient rapprochés ni par une même volonté, ni par un même but ; mais, dans les violents paroxysmes de sa passion, il n’avait pas disséqué ses sensations, analysé ses plaisirs, ni supputé les battements de son cœur comme un avare examine et pèse ses pièces d’or. L’expérience du mal n’avait pas encore jeté sa lugubre clarté sur les événements défunts. Il était si jeune que le souvenir n’existait guère pour lui. Plus instruit, il aurait compris que Camille était passionnée et non pas affectueuse. Elle jouait son rôle, d’abord, en actrice consommée ; puis, tout à coup, son accent, un regard, un mot trahissaient son ennui.

L’amour de Julien se peignait tout entier dans ses yeux, mais elle en soutenait les rayons sans que la clarté des siens s’en altérât, car ils semblaient, comme ceux des félins, être doublés par une feuille de métal. Depuis qu’il la possédait chez lui, cœur à cœur, chaque jour, il se croyait heureux. Le monde et sa froide politesse ne les séparaient plus ; il lui disait toutes les folies de son imagination. Parfois, même, il se croyait son mari, et l’admirait