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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/158

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LES DEMI-SEXES

mots drôles. Elles avaient entassé là toutes les opulences de leur vie, elles apportaient, pour elles seules, tout ce qu’elles avaient de beauté, d’esprit, de ressource, de puissance. Partout flottaient de chaudes senteurs d’étoffes, de fourrures quittées et de chairs ; les lueurs des candélabres étreignaient, à leurs pieds, les seaux argentés où se gelait le pâle vin d’Aï ; les orchidées, les lilas et les anémones recouvraient entièrement la nappe de dentelle et retombaient sur les genoux des convives en grappes parfumées.

Hardies comme des pages, elles se montraient d’une verve et d’un brio incomparables, car elles se sentaient supérieures, au-dessus du monde et des préjugés. Le bonheur de cette découverte, les influences morales, si décisives sur les êtres nerveux, l’éclat des lumières, l’odeur énervante des fleurs qui se pâmaient dans l’atmosphère surchauffée, l’aiguillon des vins véhéments, la pensée de la complicité dans le petit crime d’une telle réunion — toutes ces choses, enfin, agissant à la fois, tendirent la harpe frêle de ces délicates organisations, la firent vibrer outre mesure.

Les fusées des éclats de rire se mêlaient aux boutades harmonieuses frappées au hasard sur