Aller au contenu

Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
230
LES DEMI-SEXES

le soleil cruel emplissait le ciel, faisait de l’onde un miroir bleuâtre, sans nuages, et presque sans frissons.

Dans l’intérieur, il faisait frais. Le bateau était profond, construit pour naviguer sur les mors du Nord et supporter les gros temps. Un peu à l’étroit, on pouvait vivre six ou sept personnes — équipage et passagers — dans cette petite demeure flottante.

Camille était assise à côté de Georges, la tête appuyée à son épaule ; et tous deux, pleins de leur bonheur, restaient silencieux. Ils savouraient la volupté paresseuse qui envahit un couple heureux dans un espace étroit, l’émotion tendre et insinuante allant de l’un à l’autre, l’espèce de moelleuse pénétration magnétique de leurs deux corps, de leurs deux esprits, et cela dans un recueillement alangui et charmant. Ils goûtaient une intimité physique et spirituelle dans cette sorte de clair-obscur discret où les rayons voilés du soleil, passant par les hublots, jouent dans l’ombre avec les cheveux de la femme, ses yeux aux longs cils, les plis soyeux de sa robe. Ils aimaient le bercement de la vague qui balance les êtres et les esprits, les jette l’un contre l’autre… Et, sans un seul mot d’amour, les