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Page:Vaudere - Les Demi sexes.pdf/78

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LES DEMI-SEXES

sière et l’haleine du sabbat. Puis, elles s’en allaient, insensibles aux propositions des hommes, emmenaient souper avec elles quelques jolies filles raccrochées au passage. Au cabaret, des avalanches de garçons roulaient dans les escaliers ; les tables étaient pleines et ce n’est qu’à grand’peine qu’on arrivait à se caser dans un cabinet minuscule. La chaleur du gaz, les bouffées âcres des cigares, l’odeur des sauces, les détonations du champagne, les voix éraillées, tout disait l’heure matinale. Elles s’empilaient, comme elles pouvaient, ou se rendaient, faute de mieux, dans le rez-de-chaussée silencieux de Nina. Vers neuf heures, Camille, chastement coiffée et la mine modeste, retournait chez elle et embrassait la baronne de Luzac avec sa tranquillité habituelle.

Dans un moment d’incertitude, elle avait demandé à son amie si l’avenir ne l’avait jamais épouvantée. Et madame Saurel s’était mise à rire.

— L’avenir ?… Qu’appelles-tu l’avenir ?… Pourquoi penserais-je à ce qui n’existe pas encore ?… Je ne regarde jamais ni en arrière, ni en avant. N’est-ce pas déjà bien assez fatigant de s’occuper d’une journée à la fois ?